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BLANCHET THOMAS (1614?-1689)

Peintre, architecte et sculpteur ayant joué à Lyon un rôle semblable à celui de Le Brun à Paris, Blanchet fut vite oublié car son œuvre avait été rapidement mutilé et la critique fut longtemps déroutée par un style paradoxal. Depuis les années 1980, dessins et modelli ont permis de restituer des décors disparus, tandis que d'anciens textes expliquaient leurs sujets incompris (L. Galactéros de Boissier, « Thomas Blanchet : la Grande Salle de l'hôtel de ville de Lyon », in Revue de l'art, no 47, 1980) ; certains tableaux enfin rendus à Blanchet ont modifié l'idée que l'on avait de son œuvre (J. Montagu, « Le Maître du « Cléobis et Biton » de la collection Corsini : le jeune Thomas Blanchet ? », in Bulletin de la Société de l'histoire de l'art français, 1987).

Il faut admettre d'apparentes oppositions dans son art : ce virtuose de la miniature fut habile dans le colossal ; cet académicien épris de rigueurs classiques s'est exprimé sur un mode baroque nuancé de nostalgies maniéristes. Sa formation explique une partie de cette complexité. Probablement né à Paris en 1614, attiré par la sculpture, il en est détourné par le sculpteur Jacques Sarrazin qui l'oriente vers la peinture chez son ami Simon Vouet. Ces deux maîtres à peine rentrés de Rome lui révèlent l'art nouveau d'outre-monts. En même temps, Blanchet découvre à Fontainebleau un avant-goût des décors maniéristes qui le séduiront en Italie. À Rome, dès 1647 dans l'entourage de Poussin, il se passionne pour Michel-Ange qu'il proclamera son idéal, étudie les Bolonais, se met à l'école de l'Algarde et de Sacchi tout en admirant leurs rivaux : Lanfranco, Pierre de Cortone, Borromini, Bernin qui louera son talent. En 1652, il exécute des petites prospettive dans le genre de Le Maire qui font sa fortune (Sandrart, 1675), des décors pour le carnaval de Rome et un projet de mausolée pour l'ambassadeur de France à Venise. Son renom de peintre monumental lui vaut d'être appelé à Lyon en 1655 pour décorer le nouvel hôtel de ville. À ces peintures somptueuses s'ajouteront celles de l'abbaye Saint-Pierre et du palais de justice, des tableaux de retables, des portraits, quantité de modèles pour les sculpteurs, les orfèvres et les graveurs. Savant bâtisseur, Blanchet crée des arcs et des temples éphémères pour les fêtes solennelles, construit l'audacieux escalier de l'abbaye Saint-Pierre, remanie des chœurs et des tribunes dans différentes églises et chapelles de Lyon, projette pour l'hôtel de ville incendié (1674) une façade grandiose dont s'inspireront Jules Hardouin-Mansart et Robert de Cotte (1700), enfin il participe à un projet d'urbanisme royal pour l'entrée de la rue Dauphine à Paris (1685). Professeur à l'Académie (1676), il fonde à Lyon avec Coysevox la première filiale provinciale de cette institution. Adaptant pendant plus de trente ans les œuvres qu'il avait vues à Fontainebleau et en Italie, il les transfigure par son outrance sans jamais réaliser de véritable synthèse. À son goût des styles mêlés s'ajoute celui des contradictions : systèmes décoratifs antagonistes utilisés ensemble, atonie et vitalité extrêmes cohabitant dans une même figure. Peut-être l'opposition de Sarrazin à son précoce désir de sculpter est-elle à l'origine de ces formes empêchées, de ces élans brisés, de tout ce dynamisme contraint typique de sa manière.

L'œuvre de Blanchet présente un triple intérêt. Dans le domaine du style, son éclectisme original ne peut se définir en terme d'école et l'artiste demeure aussi loin d'un Puget que d'un La Hyre. Pourtant, dans le jeu des grands courants européens, grâce aux plagiats que Nicodème Tessin le Jeune (élève de Bernin et architecte de Charles XII de Suède) a faits de ses[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur titulaire de la caire d'histoire de l'art de l'université de Neuchâtel, Suisse

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