SCHÜTTE THOMAS (1954- )
L'œuvre de l'artiste allemand Thomas Schütte est une œuvre en mouvement, mouvement des problématiques et des formes, renouvellement incessant des matériaux et des genres. Au travers de la sculpture, de l'aquarelle, du dessin et de la peinture, jouant entre le figuratif et l'abstrait, son travail fait référence à la fois à des âges anciens de l'humanité (la Grèce, Rome) et à une critique de la postmodernité, s'intéresse à l'espace public comme à l'espace intime de l'atelier, à des enjeux socio-politiques comme à des problèmes formels, requiert des matériaux bruts et banals aussi bien que des matériaux nés des techniques de pointe. Par sa diversité plastique et ses nombreux centres d'intérêt, Schütte peut être classé parmi les artistes contemporains les plus engagés.
Né en 1954 à Oldenburg, en Allemagne, Schütte est attiré très jeune par le monde de l'art, notamment après avoir vu à Kassel la Documenta V (1972), organisée par Harald Szeemann ; cette visite le poussera à s'inscrire l'année suivante à l'académie des Beaux-Arts de Düsseldorf, où enseignait notamment le très charismatique Joseph Beuys. De 1973 à 1981, Schütte suit des études auprès de Fritz Schwegeler et Gerhard Richter. Il vit et travaille à Düsseldorf.
Plusieurs expositions marquantes, des rétrospectives, ont révélé Thomas Schütte au grand public (en 1990, au musée d'Art moderne de la Ville de Paris, en 1994 au Carré d'art à Nîmes et, en 1998, à la White Chapel Art Gallery à Londres). En 1977, l'un de ses premiers travaux, Ringe – une installation consistant en plusieurs anneaux de bois peints et accrochés au mur de manière aléatoire – rappelait les interventions d'un Buren ou d'un Toroni dans des espaces donnés. À partir de là, Schütte a développé des travaux autour de la notion de décoration, toujours liés aux lieux mêmes où ils sont présentés. Dès 1980, il construit ce que l'on a appelé, faute de mieux, des maquettes d'architecture – puisque ces objets sont également des sculptures ou des dessins agrandis –, dont l'apparence fait simultanément penser à l'architecture classique, au style moderne du début du xxe siècle, ainsi qu'à des décors de théâtre (Scène, 1980, bois peint, échelle 1 :20). Les changements d'échelle – agrandissement ou réduction –, pratiques courantes en architecture et en sculpture, font partie du programme de Schütte, qui passe du dessin à l'aquarelle, puis à des objets tridimensionnels (ou inversement), montrant ainsi l'unité de son projet. Les dessins et aquarelles, considérés généralement par les artistes comme de simples travaux préparatoires, sont pour Schütte de première importance, car c'est là qu'il ébauche les formes et les modèles de la plupart des autres productions. Fictives, ludiques ou graves, ces architectures entretiennent des rapports étroits avec la réalité immédiate, souvent sur le mode ironique, tel Maquette pour un musée (1981-1982), qui considère le musée, lieu de conservation, comme un lieu de destruction, puisque chaque artiste aurait été invité, si le musée avait été construit, à y déposer des œuvres aussitôt incinérées. Cette dimension architecturale, Schütte l'inscrit également dans des sculptures en forme de légumes, de fleurs, de fruits, comme Melonely (1986), énorme tranche de pastèque posée sur le sol (bois peint, 50 cm × 90 cm × 230 cm chaque), ou encore dans des monuments dignes des récits de Lewis Caroll, tel Kirchensäule (1987), colonne d'environ 3 mètres de hauteur érigée sur une place de Münster, et au sommet de laquelle étaient posées deux énormes cerises rouges. Depuis les années 1980, ces œuvres sont accompagnées de figurines habillées par l'artiste, de personnages schématiques ou plus réalistes,[...]
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Écrit par
- Jacinto LAGEIRA : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art
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