STEWART THOMAS (1928-2006)
Peu de chanteurs américains ont, comme le baryton Thomas Stewart, réussi à se hisser parmi l'élite du chant wagnérien. Succéder au monumental Hans Hotter dans Wotan et le Wanderer, tel fut le défi relevé par celui-là, avec un style et des moyens certes sensiblement différents, mais aussi avec une sincérité et une intelligence qui forcent le respect.
Thomas James Stewart naît le 29 août 1928 à San Saba, au Texas. Dès l'âge de dix ans, il montre d'exceptionnelles dispositions vocales. Il effectue d'abord des études de mathématiques, devient chercheur, puis entre à la Juilliard School of Music de New York, où il travaille notamment avec le baryton Mack Harrell. Les premiers pas sur scène du jeune baryton datent de 1954 : il chante La Roche pour la première américaine – à la Juilliard School – de Capriccio de Richard Strauss ; cette même année, il est recruté par le New York City Opera, où il incarne Le Commandeur (Don Giovanni de Mozart). En 1955, il épouse Evelyn Lear, soprano issue elle aussi de la Juilliard School et promise à une brillante carrière. Grâce à une bourse Fulbright, le couple peut, en 1956, partir se perfectionner en Europe. À la Hochschule für Musik de Berlin, Thomas Stewart bénéficie des conseils du baryton-basse Jaro Prohaska. Sa notoriété s'établit. En 1958, il est admis à la Städtische Oper de Berlin, qui lui offre Don Fernando (Fidelio de Beethoven), Escamillo (Carmen de Bizet) et le rôle-titre de Don Giovanni de Mozart. Thomas Stewart appartiendra à la troupe de cette prestigieuse institution (devenue Deutsches Opernhaus Berlin en 1961) jusqu'en 1964.
En 1960, le festival de Bayreuth fait appel à lui, pour Donner (L'Or du Rhin), Gunther (Le Crépuscule des dieux) et Amfortas (Parsifal). Il apparaîtra à Bayreuth jusqu'en 1972, s'y imposant sous les traits de Donner (1960 et 1961), de Gunther (1960 et 1961, 1965-1969, 1972), du Hollandais (Le Vaisseau fantôme, 1965 et 1971), de Wolfram (Tannhäuser, 1966-1967) et, surtout, d'Amfortas (1960-1972), de Wotan (L'Or du Rhin, La Walkyrie) et du Wanderer (Siegfried). C'est en 1967 qu'il endosse à Bayreuth le costume de Wotan que lui abandonne l'illustre Hans Hotter, qui lui prodigue conseils et encouragements ; il y ajoutera le Wanderer en 1969. Dans ce rôle, il se montre remarquable moins par la noirceur de la voix et l'expression désespérée qui ont fait la gloire de son devancier, que par une impressionnante présence théâtrale, une diction parfaite et un phrasé d'une souplesse infinie. Cette indiscutable stature lui vaut d'incarner Wotan/le Wanderer dans La Tétralogie que Herbert von Karajan enregistre en 1967 à la tête de l'Orchestre philharmonique de Berlin, et d'être appelé pour chanter le Hollandais dans Le Vaisseau fantôme que grave Karl Böhm à Bayreuth en 1971. Au sommet de sa discographie, il faut placer le Hans Sachs (Les Maîtres chanteurs de Nuremberg) qu'il donne au disque avec une mémorable distribution – Gundula Janowitz, Sándor Kónya, Brigitte Fassbaender, Gerhard Unger, Franz Crass – et la direction inspirée de Rafael Kubelík (enregistré en 1967).
De retour aux État-Unis, Thomas Stewart devient un familier du Metropolitan Opera de New York, où, pendant 14 saisons, de 1966 à 1980, il tiendra 23 rôles lors de 169 représentations. La clarté de son timbre et la sûreté de sa technique lui permettent d'aborder, en dehors de Wagner, qui reste son domaine d'élection, tout aussi bien le monde baroque (Didon et Énée de Purcell), Mozart (le Comte Almaviva des Noces de Figaro), Debussy (Golaud de Pelléas et Mélisande), Verdi (Ford et Sir John Falstaff de Falstaff, Iago d'Otello), que l'expressionnisme de Richard Strauss (Jochanaan de Salomé), sans oublier Britten (Balstrode de Peter Grimes). Bien que peu attiré par la musique de son époque,[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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