STRAFFORD THOMAS WENTWORTH comte de (1593-1641)
Issu d'une famille de la gentry du Yorkshire, Thomas Wentworth a connu une vie publique très contrastée sous les deux premiers Stuarts. Presque constamment élu aux Communes entre 1613 et 1628, il s'y fait le champion des libertés anglaises, attaque vigoureusement les prétentions qu'émettent Jacques Ier puis Charles Ier de lever des taxes ou des dons gratuits sans l'approbation du Parlement, apparaît, aux côtés d'un John Pym ou d'un William Coke, comme l'un des plus talentueux meneurs du clan antiabsolutiste ; cela lui vaut même un court emprisonnement en 1627. Un an plus tard, tenté par la perspective d'une responsabilité efficace, il accepte les offres du roi et devient progressivement l'un de ses conseillers les plus écoutés et les plus honorés ; on lui doit probablement l'expression de thorough system, qui définit le régime autoritaire de Charles entre 1629 et 1640 : il est fondé non seulement sur le refus de réunir à nouveau un Parlement, mais aussi sur le souci de faire triompher l'intérêt public en passant outre à toutes les résistances et en ne tenant compte d'aucun obstacle légal. Wentworth, devenu par ailleurs en 1629 conseiller privé du roi, expérimente ses brillantes théories à la tête du conseil du Nord, délégation du conseil royal chargée de faire appliquer la loi dans les comtés les plus septentrionaux, puis, à partir de 1636, en Irlande où il est envoyé avec le titre de lord-député ; il s'y révèle un excellent administrateur, cherche à développer l'économie du pays, constitue une armée de valeur mais irrite gravement les Irlandais en reprenant la vieille politique de la « plantation », c'est-à-dire de la confiscation de terres destinées à des colons d'origine anglaise. Demeuré en correspondance avec William Laud, il porte sa part de responsabilité dans les décisions royales antérieures à 1639, date de son retour à la cour. Il encourage la poursuite de la guerre contre les Écossais révoltés, et, surtout, convaincu du patriotisme des Anglais, persuade Charles Ier, à court d'argent, de convoquer un Parlement en 1640 : le Court Parliament décevra tous les espoirs imprudemment placés en lui. Devenu comte de Strafford en janvier 1640, nommé le 20 août lieutenant général de l'armée anglaise, Strafford est tenu pour responsable des défaites anglaises et considéré par le nouveau Parlement, convoqué en novembre, comme son plus dangereux adversaire. Dès le 11 novembre, il est arrêté en vertu d'une procédure d'impeachment ouverte contre lui par la Chambre des communes, à l'instigation de Pym. Le 22 mars 1641, son procès commence. Des révélations sur un complot d'une partie de l'armée pour rétablir l'autorité du roi surviennent mal à propos et engagent les Communes à passer à la procédure de l'attainder qui dispense de fournir la preuve du crime de trahison ; on doit alors assimiler le viol projeté de la Constitution et des droits du Parlement à la « trahison » à l'égard du roi : les Communes acceptent allègrement cette interprétation le 21 avril, mais les lords ne cèdent que sous la pression de la foule londonienne, le 3 mai suivant, et Charles Ier de même souscrit à la condamnation pour échapper à l'émeute. Strafford est exécuté le 12 mai, rendant à son roi l'ultime service de permettre provisoirement de rejeter sur de « mauvais conseillers » la responsabilité de la politique absolutiste antérieurement suivie. Mais, en octobre, la révolte irlandaise, legs de sa dure administration, va poser à la collaboration du roi et du Parlement un problème insoluble. Avec Strafford a disparu l'un des théoriciens les plus convaincus du droit divin et absolu des rois.
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Écrit par
- Roland MARX : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
-
CHARLES Ier (1600-1649) roi d'Angleterre (1625-1649)
- Écrit par Pierre JOANNON
- 1 103 mots
- 2 médias