THRACE
Difficilement partagés au cours des guerres balkaniques entre la Bulgarie, la Grèce et la Turquie, les plaines et les plateaux de Thrace n'ont guère d'unité naturelle et le découpage des régions ne permet pas une mise en valeur rationnelle et homogène. Les frontières qui les délimitent suivent parfois les reliefs ou les cours d'eau (c'est le cas du talweg de la Marica — ou Maritza —, d'Évros, entre la Turquie et la Grèce), mais parfois s'en écartent, ce qui pose des problèmes délicats pour l'exploitation commune des ressources en eau, comme c'est le cas dans les vallées dont le tronc collecteur est la Marica. La mise en place de ces frontières s'est accompagnée d'échanges incomplets des populations, les Grecs abandonnant entièrement le secteur turc, mais des minorités musulmanes de langue turque demeurant en Grèce et en Bulgarie. Ces divisions ont perturbé aussi la hiérarchie du réseau urbain et le système des communications : les convois ferroviaires de Sofia à Istanbul ont longtemps transité par le territoire grec entre Svilengrad et Edirne. Cette dernière, trop proche de frontières peu perméables, a perdu une grande partie de son aire d'influence, sans que Svilengrad ou Dhidhimotikhon puissent relayer son rôle en Bulgarie et en Grèce. Si la population d'Alexandroupolis, plaque tournante des relations continentales entre la Grèce et la Turquie, a augmenté (23 000 hab. en 1971, environ 50 000 en 2001), son rôle est sans commune mesure avec ce qu'il serait si son port était devenu le débouché des centres industriels du sud-est de la Bulgarie.
La Thrace grecque, appendice reculé du territoire national, ne dispose d'aucun équipement industriel notable et juxtapose des compartiments mal intégrés : piémonts à tabac de Xanthi et terres d'arboriculture et de sériciculture du Soufli en voie de dépeuplement ; plaines de l'Évros recolonisées par des réfugiés et où la production des céréales freine l'émigration ; plaines et collines du rivage égéen proches de Komotini, à majorité turque et à cultures vivrières, où la population est stable.
La Thrace bulgare, mieux dotée, est radicalement différente : la mécanisation de l'agriculture, l'irrigation des sols, grâce en particulier à la construction de barrages sur les affluents de la Marica, ont permis d'y augmenter considérablement les productions (blé, maïs, tabac, coton, fruits) que des paysans avisés avaient déjà beaucoup diversifiées. Les pays de la Marica sont devenus l'ensemble le plus prospère de la Bulgarie. Chaque ville est un petit centre industriel capable d'absorber les excédents de main-d'œuvre agricole (Haskovo, Harmanli). L'exploitation du gisement de lignite de Maritza, qui a fait naître la ville nouvelle de Dimitrovgrad, a trouvé des sources d'énergie susceptibles d'alimenter un groupe d'industries lourdes (ciment, engrais) qui équilibre, en occupant une part de la main-d'œuvre, les industries de transformation de Plovdiv.
Région européenne, la Thrace orientale turque, qui s'étend sur 18 885 kilomètres carrés, comporte trois zones naturelles : façade boisée sur la mer Noire, steppe centrale, collines d'aspect méditerranéen du versant de la Marmara, qui constituent déjà une réplique en miniature de la structure d'ensemble de l'Anatolie.
Au nord, le long de la frontière bulgare et de la côte de la mer Noire, le massif ancien de l'Istranca (1 050 m) est largement boisé dans sa partie orientale, où la forêt de hêtres a été éclaircie par des villages de réfugiés des Balkans. Il est beaucoup plus dénudé dans sa partie occidentale, au-dessus du bassin intérieur, où les habitants de vieux villages turcs pratiquent depuis longtemps une culture céréalière associée à un élevage trop dense qui a considérablement dégradé[...]
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Écrit par
- Xavier de PLANHOL : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Academia Europaea
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Média
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