THROMBOSES
Physiopathologie
Il y a cent cinquante ans, Rudolphe Virchow soulignait que les modifications de trois facteurs favorisent la thrombose : les structures du vaisseau, les facteurs circulants (protéines du plasma et plaquettes) et la stase circulatoire. Ce sont surtout les travaux des dernières décennies qui ont permis de reconnaître l'importance de ces différents facteurs selon que la thrombose se constitue dans le système artériel ou veineux.
Rôle des différentes structures du vaisseau
On sait que tout vaisseau est revêtu intérieurement d'une mince couche de cellules aplaties, formant l' endothélium, autour duquel se trouvent les constituants du tissu conjonctif sous-endothélial de ce vaisseau, notamment du collagène. P. A. Owren avait soutenu, dès 1971, que la thrombose débute chaque fois qu'entrent en contact les fibres du collagène du tissu sous-endothélial et les plaquettes. Ce point de vue doit être nuancé dès lors que l'on sait que les plaquettes peuvent adhérer à d'autres structures sous-endothéliales, non sensibles à la collagénase (M. B. Stemerman, 1971).
La surface endothéliale, normalement, ne permet ni la coagulation du sang ni l'adhésion des plaquettes ; mais toute lésion détruisant l'endothélium et exposant les tissus sous-endothéliaux au sang déclenche la formation de thrombus, principalement dans les artères. Dans les thromboses veineuses, des pores se produisent entre les cellules endothéliales et peuvent permettre aux plaquettes d'adhérer au tissu sous-endothélial ainsi, un endothélium pourra apparaître intact en microscopie et cependant être thrombogène. S. Johnson a pu montrer (1971) que l'endothélium était capable de phagocyter les plaquettes sans qu'on puisse faire la preuve d'une adhésion préalable de ces plaquettes à l'endothélium. Le concept, très défendu par les rhéologistes, d'une mince couche de fibrine protégeant l'endothélium ne semble pas pouvoir être confirmé par l'étude des ultrastructures. Selon M. Pandolfi (1969), l'existence d'une balance entre cet hypothétique film de fibrine et une permanente fibrinolyse (cf. hémorragies, fig. 2) liée à la libération d'un activateur du plasminogène expliquerait cet état d'instabilité permanente de l'état thrombogène. Une rupture de cette balance, par diminution de l'activateur ou par anomalie de sa libération, pourrait être responsable de certaines maladies thrombo-emboliques (Lacombe, 1971). L'augmentation de la fréquence des thromboses en cas d'athérosclérose est probablement due au fait qu'au niveau des plaques athéromateuses, souvent ulcérées et brisées, l'endothélium desquame assez facilement.
Par ailleurs, Stermerman (1971), après dénudation de l'endothélium de l'aorte de lapin grâce à une lésion minime intravasculaire, a montré que les microfibrilles sous-endothéliales ainsi mises à nu sont insensibles à la collagénase, mais sensibles à la trypsine ; or, elles permettent une adhésion plaquettaire rapidement irréversible, qui ne doit donc rien au contact avec le collagène.
La membrane basale sur laquelle repose l'endothélium ne paraît, en fait, qu'une forme peu polymérisée de collagène. Elle est sensible à la collagénase (G. Majno, 1969) et entraîne une adhésion plaquettaire suivie d'une agrégation irréversible accompagnée de la libération de nombreux constituants plaquettaires essentiels.
De toutes les structures de la paroi du vaisseau, le collagène est celle qui est la mieux connue ; il participe à la coagulation en agissant sur l'activation du facteur Hageman, c'est-à-dire du facteur XII du système formateur de la thromboplastine (cf. hémorragies, fig. 1).
En conclusion, il faut concevoir la thrombose comme relevant d'un mécanisme différent selon qu'elle survient dans des[...]
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Écrit par
- Jacques CAEN : professeur à l'université de Paris-VII, chef de service à l'hôpital Lariboisière, Paris
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