RODRIGUES TIAGO (1977- )
Un apprentissage collectif
Tiago Rodrigues crée également des formes intimistes, comme Sopro (Souffle, 2018) ou encore Chœur des amants (2007, recréation en 2020), récit lyrique de deux jeunes gens dont les voix se répondent, témoignant de l’effroi à être confrontés à la mort de l’autre, à la sienne, au temps arrêté.
Pour le dramaturge, faire du théâtre constitue un apprentissage collectif, un cheminement sur une question explorée, autant que la capacité à promouvoir le débat démocratique. Car le théâtre fait émerger des préoccupations politiques, la construction esthétique étant cadrée par une éthique. Et s’il ne prétend pas posséder de réponse, son défi subsiste dans la forme de l’interrogation : un désir et une urgence dont le public est appelé à ressentir la justesse.
Dans la mesure de l’impossible, créé en 2022 à la Comédie de Genève, met en lumière les dilemmes des humanitaires et la question de l’engagement artistique : faut-il combattre ou dénoncer, agir ou raconter ? À partir des récits rapportés advient la vérité des travailleurs humanitaires avec, en écho, la posture d’écoute des « acteurs passeurs » qui font leurs les doutes, convictions et raisonnements de ceux dont ils ont recueilli les propos dans la sensibilité et l’humour bienveillant.
Catarina et la beauté de tuer des fascistes, présenté au festival d’Automne à Paris en 2022, interroge le fascisme et l’éventualité d’enfreindre les règles de la démocratie pour en défendre la cause. Une situation initiale dystopique avec des élections au Portugal en 2028, projetant la victoire de l’extrême droite liée à la montée des populismes en Europe et par-delà le monde.
Directeur depuis septembre 2022, succédant à Olivier Py, Tiago Rodrigues créera son premier festival d’Avignon en 2023. Il affirme son attachement à réinterpréter et à poursuivre le projet, mis en place depuis 1947, de Jean Vilar. Lieu d’innovation et d’expérimentation en contact avec la mémoire pour mieux imaginer le futur, le festival conduit un projet utopique exigeant : rendre plus aisé l’accès à la complexité du monde. À l’écoute du désir silencieux, de la réalité des corps et d’une pensée, dans la dignité du sentiment de vivre, le théâtre de Tiago Rodrigues répond à ce besoin existentiel.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Véronique HOTTE : critique de théâtre
Classification
Médias