TIBÈRE, lat. TIBERIUS CLAUDIUS NERO (42 av. J.-C. 37 apr. J.-C.) empereur romain (14-37)
La personnalité de Tibère a toujours fasciné les historiens, mais l'abondance de la bibliographie ne facilite pas l'étude du personnage et du règne.
Tiberius Claudius Nero appartenait, comme son nom l'indique, à la très aristocratique gens Claudia. Sa mère, Livie, se remaria avec Auguste, et le fondateur de l'Empire sut deviner les talents de général que possédait son beau-fils. Il l'utilisa en Germanie et en Illyrie. En ~ 13, il l'associa au pouvoir en lui conférant un imperium maius ; puis il lui fit épouser sa fille Julie ; enfin, en 4 après J.-C., il l'adopta (entre-temps, le futur empereur avait effectué une retraite à Rhodes pour rassurer Auguste sur ses intentions).
En 14 après J.-C., Tibère voulut sincèrement établir une dyarchie, partager le pouvoir avec le Sénat. Soucieux de légalité, il attendit que la haute assemblée le confirmât dans ses nouvelles fonctions ; de même, fidèle aux vœux d'Auguste, il adopta Germanicus, alors que son propre fils, Drusus, n'avait que deux ans de moins. Mais très vite il se rendit compte que les temps avaient changé. Il renonça à solliciter l'aide de l'aristocratie en tant que corps constitué ; il se débarrassa d'Agrippa Postumus, petit-fils de son prédécesseur, et se conduisit en tout comme un monarque, fondant son pouvoir sur l'imperium maius (pouvoir civil et militaire supérieur à celui des autres magistrats), la puissance tribunicienne et, surtout, l'armée. C'est seulement par indifférence à l'égard d'ornements jugés inutiles qu'il refusa le titre d'imperator et par scepticisme qu'il condamna les excès d'adoration qu'entraînait le culte impérial (édit de Gythion et réponse aux députés de l'Espagne Ultérieure).
L'homme conserva un caractère profondément aristocratique. Il gouverna avec l'aide de quelques sénateurs et des principaux chevaliers, indifférent au sort de la plèbe. Compétent et consciencieux, il était aussi pessimiste et aigri par la méfiance d'Auguste. Ses sympathies stoïciennes sont connues.
Le règne fut d'abord troublé par des révoltes militaires. Dès 14, les légions de Germanie entrèrent en rébellion ; Germanicus ramena l'ordre, et, pour calmer les mutins, il les conduisit contre les Barbares au-delà du Rhin (15-16). Au même moment, des événements semblables avaient éclaté en Pannonie ; cette fois, c'est Drusus qui intervint, et il organisa une campagne en Bohême, contre le roi Marbod. Puis Germanicus fut envoyé en Orient ; il installa un nouveau roi en Arménie, créa deux provinces (Cappadoce et Commagène). Au retour d'un voyage en Égypte, il mourut brusquement. Le légat Pison, avec qui il ne s'entendait pas, fut accusé de crime, et préféra se suicider. D'autres événements ont agité le monde romain. L'Afrique fut secouée par la révolte de Tacfarinas (17-24) et la Gaule par celle de Florus et de Sacrovir (21). Mais Tibère souhaitait la paix dans les provinces, et il intenta des procès contre les gouverneurs trop avides.
Il confia le pouvoir à son préfet du prétoire, Séjan. Ce dernier, habile et ambitieux, fit installer les prétoriens dans un nouveau camp situé près de la porte Nomentane, pour mieux surveiller la ville. Puis il fit empoisonner Drusus. Son rôle s'accrut encore quand Tibère partit pour Capri en 27 ; l'empereur, qui vivait entouré de médecins et d'astrologues, se transformait en tyran et multipliait les procès de majesté. Quand il apprit que Séjan complotait contre lui, il le fit arrêter et exécuter (31).
Tibère mourut le 16 mars 37. Ce règne, qui avait commencé sous d'heureux auspices, surtout pour le Sénat, s'était achevé dans une atmosphère bien lourde. La plèbe de Rome résuma alors son sentiment en un cruel jeu de mots : « Tibère au Tibre ».[...]
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Écrit par
- Yann LE BOHEC : professeur à l'université de Grenoble
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