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DÉRY TIBOR (1894-1977)

L'engagement

Déry participe à la Résistance ; en 1945, il s'inscrit de nouveau au Parti communiste. Dans Jeux souterrains (Alvilági játékok, 1946), il célèbre le souvenir du siège de Budapest et revient à une vision surréaliste, tragique et ironique. Réponse (Felelet, I-II, 1950-1952), avec son intrigue à deux faces, tente d'évoquer dans une nouvelle synthèse la société hongroise : c'est l'histoire d'un professeur d'université campé comme un extravagant et d'un jeune ouvrier plein d'intransigeance, qui à la fois s'attirent et se repoussent mutuellement. Le Théâtre national représente ses drames : Miroir (Tükör, 1947), ou la vie clandestine des militants communistes ; En famille (Itthon, 1948), drame d'un prisonnier de guerre rejoignant trop tard son foyer ; Lèche-bottes (Talpsimogató, 1954), satire cruelle de l'hypocrisie et de la flatterie. Quant à ses nouvelles, composées en 1955-1956, leur éclatant succès est dû pour l'essentiel à l'impitoyable mise à nu de la vie quotidienne hongroise à l'époque stalinienne. L'angoisse et l'horreur, mais aussi la foi et la solidarité émanent de la rigoureuse structure du monde clos, de l'atmosphère dramatique de son roman Niki (1956), qui a fondé la réputation mondiale de l'écrivain.

Par ses articles, ses prises de position, il participe à la révolte d'octobre 1956, puis s'oppose au gouvernement Kádár. Condamné en 1957 à neuf ans de prison, il est amnistié en 1960. En 1963 paraissent ses nouvelles : Amour (Szerelem), ainsi que le roman écrit durant sa captivité, Monsieur G. A. à X. Cette œuvre, d'inspiration kafkaïenne, analyse les rapports et l'influence réciproque de l'ordre et de la liberté : elle évoque un étrange pays d'Utopie et brosse, de manière à la fois nostalgique et satirique, une description de la « perfection absurde » d'une société qui tente de se dégager de toute contrainte. « On songe à certains tableaux de Jérôme Bosch où la minutie des détails réalistes renforce la vision cauchemardesque de l'ensemble. L'humour de Tibor Déry naît, de même, d'une rencontre du réalisme et de l'onirique comme chez certains surréalistes » (Michel Mohrt).

L'Excommunicateur (A kiközösíto″, 1966), dont la trame, et le prétexte, est l'histoire de saint Ambroise, évêque de Milan, montre avec un symbolisme ironique les rapports du pouvoir et de l'individu. Certains passages du roman ne peuvent manquer d'inviter le lecteur à penser à l'histoire moderne de l'Europe de l'Est, mais il devra bientôt s'apercevoir qu'il ne lit pas une fable d'Ésope ou de La Fontaine : sitôt un élément esquissé, l'auteur le présente à nouveau sous un angle différent, fournissant ainsi un panorama des conflits de l'individu et de la société. Tous ces problèmes, préoccupations constantes de l'auteur, sont abordés de manière enjouée, dans un véritable feu d'artifice de trouvailles.

Ses autobiographies romancées s'enrichissent de considérations philosophiques sur son destin individuel comme sur la condition humaine et l'avenir de l'humanité (Itélet nincs, 1970, Pas de verdict ; Kedves bópeer, 1973, Cher Beau-Père ; Kyvagiokén, 1976, Qui suis-je ?), tandis que son roman Reportage imaginaire d'un festival pop en Amérique (Képzelt riport egy amerikai pop-fesztiválról, 1971), évocation du festival de Woodstock en 1969, est une parabole sur la violence et la brutalité aveugle (une adaptation théâtrale de cette œuvre a été représentée avec succès dans plusieurs pays). Enfin, au cours des dernières années de sa vie, Déry publie dans un hebdomadaire budapestois des réflexions lyrico-ironiques sous le titre Egy nap hordaléka (1975, Ce que charrient les jours[...]

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  • HONGRIE

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    • 32 134 mots
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    Mais bientôt les écrivains communistes commencent à détendre peu à peu la camisole que leur impose le parti. Premier entre tous, Tibor Déry (1894-1977), qui s'était lancé dans la composition du grand roman réaliste socialiste sur la classe ouvrière, s'était vu rappeler à l'ordre par Révai pour n'avoir...
  • SOCIALISTES ART DANS LES PAYS

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    ...morale offre les plus belles possibilités romanesques. Sans sacrifier une once de sincérité, un autre ancien, Károly Makk, collaborant avec l'écrivain Tibor Déry, lui-même étroitement mêlé aux événements de 1956, adapte deux nouvelles de l'écrivain qu'il condense en un seul récit : ...