TIBULLE (env. 50-19 av. J.-C.)
Avec Properce et, une génération après lui, Ovide, Tibulle est le représentant du genre élégiaque à Rome. Il semble même qu'il ait été l'initiateur de l' élégie amoureuse de langue latine et ait montré la voie aux deux autres. Il appartient à une époque où la sensibilité romaine, après une longue période de guerres civiles, découvre les bienfaits de la paix. Tibulle est contemporain de Virgile, avec lequel il a des affinités poétiques. Comme Virgile, il aime la campagne, la vie champêtre, il est sensible à la poésie de la religion rustique. Mais il est, ce que Virgile n'est guère, un poète de l'amour, un poète amoureux, qui exprime ses propres sentiments à l'égard de trois êtres : Delia, qui fut son premier amour, Nemesis, qui la remplaça, et un jeune garçon, appelé Marathus.
Faits et hypothèses
On ne possède guère de renseignements sur la vie de Tibulle, et il faut reconstituer sa biographie d'une manière hypothétique. Aulus Albius Tibullus appartenait à une famille riche, mais qui fut ruinée, sans doute au cours des guerres civiles. On ne sait rien de son père. Tibulle ne parle que de sa mère et de sa sœur, auprès desquelles il semble avoir passé sa jeunesse en Latium, dans le petit bourg de Pedum (entre l'actuel Tivoli et Palestrina). En 32 avant J.-C., Tibulle, parvenu à l'âge d'homme, doit s'arracher à sa vie de loisir et est attaché à la cohors praetoria, l'état-major de Valerius Messalla, alors consul désigné et sur le point de partir en Orient, pour participer à la guerre contre Antoine et Cléopâtre. Dans un poème (Élégies, I, 10), il dit son inquiétude et son horreur de la guerre. Sur ces entrefaites, Tibulle, à Rome, fait connaissance d'une jeune femme, qu'il appelle Delia, et qui s'appelait, croit-on, Plania. Elle vivait librement, et choisissait des « protecteurs » successifs. Tibulle l'aima tout de suite profondément, pensant à l'épouser. Mais le moment de partir pour l'Orient approche. Tibulle s'y résigne. Il va, avec Messalla, jusqu'à Corcyre, où il tombe assez gravement malade pour qu'on le laisse dans l'île. Remis, tant bien que mal, il revient à Rome ; il y trouve déception et chagrin. Delia ne lui ouvre plus sa porte !
En 28 avant J.-C., Messalla, de retour d'Orient, est chargé d'un commandement en Gaule. Le poète, revenu de sa passion, l'accompagne et participe au rétablissement de l'ordre, troublé par un soulèvement en Aquitaine. Il était à Rome pour le triomphe de Messalla, le 25 septembre 27. Désormais, il vécut à la campagne et se consacra à la poésie. Il faut sans doute l'identifier au jeune Albius, auquel Horace dédia deux poèmes où nous le voyons mélancolique, toujours hanté par quelque amour malheureux et de santé incertaine.
Tibulle mourut à peu près en même temps que Virgile, Ovide assistait à ses funérailles où, dit-il, se trouvaient également Delia et Nemesis.
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Écrit par
- Pierre GRIMAL : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
Classification
Autres références
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LATINES (LANGUE ET LITTÉRATURE) - La littérature
- Écrit par Pierre GRIMAL
- 8 569 mots
- 2 médias
...jamais oubliée. En cette seconde moitié du ier siècle avant J.-C. l' élégie connut son apogée, avec (peut-être) Cornelius Gallus, et, sûrement, Tibulle et Properce. En mêlant narrations mythologiques, descriptions, sentiments personnels, l'élégie continue l'esprit alexandrin. C'est à Rome que l'amour... -
PROPERCE (env. 57-env. 15 av. J.-C.)
- Écrit par Pierre GRIMAL
- 1 377 mots
...allusion. Cynthia écrivait des vers, et c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles le poète lui a donné ce surnom (« celle du Cynthe », épithète apollinienne) ;mais il faut aussi penser que l'exemple de la Délia de Tibulle a joué un rôle dans ce choix, le Cynthe étant la montagne de Délos.