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TIBULLE (env. 50-19 av. J.-C.)

Poète d'amour

On possède trois livres de poèmes élégiaques signés du nom de Tibulle. Le premier seul a été publié du vivant de l'auteur. Le deuxième rassemble des pièces authentiques, probablement éditées après sa mort. Le troisième réunit des poèmes écrits par divers amateurs, un certain Lygdamus (le nom n'est qu'un pseudonyme), une jeune femme noble, Sulpicia, qui chante son amour pour un jeune affranchi (peut-être un esclave) appelé Cerinthus ; enfin, le troisième livre contient un Panégyrique de Messalla, poème en l'honneur de celui qui fut le protecteur de Tibulle et qui groupait autour de lui tout un cercle littéraire. Dans ce même livre III se trouvent aussi des pièces authentiques de Tibulle, où il est question des amours de Sulpicia. On ne sait pas de quelle façon ni à quelle date a été constitué ce recueil composite, connu sous la dénomination de Corpus tibullianum.

L'œuvre de Tibulle peut être analysée par « thèmes » : celui de la vie rustique (I, 10 ; I, 1 ; I, 4 ; II, 1, etc.), lié à celui de la paix et à celui de la religion simple des paysans. Ce sont les « thèmes heureux ». À côté de ceux-ci, on trouve des thèmes « malheureux » : la trahison et, surtout, les refus de l'être aimé (I, 2 ; I, 4 ; I, 5 ; II, 4, etc.), la mort (I, 3). Tibulle connaît bien la poésie grecque, et en particulier la poésie alexandrine, qui a remis à la mode l'œuvre d'Hésiode ; il emprunte assez largement à celui-ci des éléments de développement et des images. Il partage avec l'auteur des Travaux et les jours le sentiment très fort de la nature féconde et des rythmes de la terre. Cette influence d'Hésiode, qui s'est aussi exercée sur Virgile, contribue à accentuer les ressemblances entre les deux poètes, car il ne saurait s'agir d'emprunts faits par Tibulle à Virgile, puisque les Géorgiques n'ont été publiées qu'après que Tibulle eut déjà écrit ses premières élégies. À l'influence alexandrine, Tibulle doit le cadre de pièces traditionnelles comme son paraklausithyron (chant de l'amoureux devant une porte fermée, celle de son amie qui ne peut ou ne veut le recevoir ; II, 2). On y trouve aussi des éléments empruntés à la comédie nouvelle et à l'épigramme, notamment des images comme celle de la jeune femme filant la laine à la veillée, ou celle de la vieille mère qui tantôt surveille sa fille et tantôt s'entremet pour favoriser ses amours. Tibulle n'a pas voulu écrire le journal de son amour, mais il a isolé les principaux moments de ses amours et a composé des pièces qui l'expriment et le résument dans sa réalité profonde. Ce refus de l'anecdote est un trait de classicisme chez Tibulle. Même la douleur de l'amant repoussé prend ainsi comme un caractère impersonnel et peut sembler irréelle, surtout si on lit Tibulle après avoir lu Properce.

Le recueil des Élégies (Elegiarum libri) comprend, outre les pièces amoureuses, des poèmes où l'auteur engage moins sa propre personnalité et ses sentiments intimes. Par exemple, une élégie curieuse, consacrée à chanter l'anniversaire de Messalla (I, 7), qui est d'un lyrisme impersonnel et contient une évocation très précise de l'Égypte, avec ses cultes traditionnels, tels qu'un Romain pouvait les voir deux ou trois ans après que ce pays eut été conquis par Auguste. Ou encore la première élégie du livre II, qui fait un ensemble avec la pièce précédente, décrit les fêtes rustiques de la campagne romaine, sans doute les Ambarvalia, régulièrement célébrées au mois d'avril. Les tableaux pittoresques (sacrifices à l'autel, grands feux allumés dans l'âtre, les couronnes de fleurs offertes aux dieux lares), chacun conçu comme un relief, annoncent l'art des Fastes d'Ovide. On y trouve aussi des pièces[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres

Classification

Autres références

  • LATINES (LANGUE ET LITTÉRATURE) - La littérature

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    • 2 médias
    ...jamais oubliée. En cette seconde moitié du ier siècle avant J.-C. l' élégie connut son apogée, avec (peut-être) Cornelius Gallus, et, sûrement, Tibulle et Properce. En mêlant narrations mythologiques, descriptions, sentiments personnels, l'élégie continue l'esprit alexandrin. C'est à Rome que l'amour...
  • PROPERCE (env. 57-env. 15 av. J.-C.)

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    • 1 377 mots
    ...allusion. Cynthia écrivait des vers, et c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles le poète lui a donné ce surnom (« celle du Cynthe », épithète apollinienne) ;mais il faut aussi penser que l'exemple de la Délia de Tibulle a joué un rôle dans ce choix, le Cynthe étant la montagne de Délos.