MODOTTI TINA (1896-1942)
Photographe mexicaine d'origine italienne, Tina Modotti traverse brièvement l'histoire de la photographie, en constituant, de 1923 à 1930, une œuvre inspirée par sa passion pour le Mexique. La situation postrévolutionnaire du pays, sa pauvreté agissent comme un révélateur sur cette militante qui fait de l'art et de la politique mêlés la pierre de touche de sa créativité. Ces sept années sont aussi un répit miraculeux dans la fuite en avant que fut la vie de Modotti. La légende créée autour de ce personnage tumultueux tend à reléguer l'étude de son art au second plan. Lors d'une vente aux enchères à New York, en 1991, le prix record de 165 000 dollars atteint par une de ses natures mortes, Roses (1925), aurait été davantage redevable à l'aura de son auteur qu'à son talent. Pourtant son œuvre n'est modeste que par le nombre – deux cent cinquante photographies.
Une approche photographique du Mexique
Tina (Assunta Adelaide Luigia) Modotti est née le 17 août 1896 à Udine (Frioul-Vénétie Julienne). La misère pousse sa famille, nombreuse, à émigrer aux États-Unis et à s'installer, en 1913, à San Francisco. L'ambiance familiale est fortement imprégnée d'idéaux socialistes et, dès l'âge de dix-sept ans, Tina travaille dans un atelier de couture. Parallèlement, elle commence une carrière de modèle, puis de comédienne dans les troupes théâtrales du quartier italien. Elle fait très vite la connaissance d'un peintre et poète canadien, Roubaix de l'Abrie Richey, dit Robo, avec qui elle se marie et découvre la vie d'artiste bohème. Sa maison, à Los Angeles, devient un lieu de rencontre d'artistes et d'intellectuels. Remarquable beauté brune au visage angélique, Tina devient l'actrice de films muets à Hollywood, où elle joue, pour un temps, les ingénues « mexicaines », notamment dans The Tiger's Coat (1920). Elle pose également pour des photographies d'art et rencontre ainsi, en 1920, un photographe déjà très réputé : Edward Weston. Une passion amoureuse les lie immédiatement, qu'ils décident d'aller vivre au Mexique, en 1923.
À Mexico, sur la terrasse de leur appartement, offerte au soleil, Tina inspire à Weston quelques nus parmi les plus troublants – et les plus célèbres – de sa carrière. Sur sa demande, il l'initie aux rudiments de la photographie, si vite assimilés qu'à la fin de l'année 1924, au Palacio de Minerìa, une exposition présente des clichés des deux artistes.
Si Tina Modotti a appris la photographie avec Edward Weston, qui l'a laissé trouver son langage personnel, selon son propre aveu, c'est le peintre et militant communiste Xavier Guerrero qui lui ouvre les yeux. De même, si Weston lui donne les bases d'un solide formalisme, ce sont les muralistes mexicains, et en particulier Diego Rivera, qui influencent profondément la vision qu'aura Modotti du Mexique. Ses images en noir et blanc ont la beauté primitive des fresques, simple, sensuelle et puissante. Elle fréquente en effet l'avant-garde mexicaine : Rivera, pour qui elle sert de modèle lors de la représentation de La Tierra fecunda (1924-1927) à Chapingo, mais aussi José Clemente, Orozco, David Alfaro Siquieros et Frida Kahlo.
« Apprentie » sous influence à ses débuts, Tina Modotti donne vite à son « précieux travail » une expression très personnelle. Elle aime se concentrer sur un sujet unique, et privilégie dans son approche une simplicité qui lui donne souvent une dimension monumentale. Ses premières natures mortes sont une caresse sensuelle de la matière – ainsi Roses, plan serré sur un foisonnement de pétales, ou encore cette Étude d'arums dont « la délicatesse et l'innocence rappellent Fra Angelico, mais dépeints dans une aube grisâtre dont Fra Angelico ne rêva sûrement jamais ». À l'opposé de ce[...]
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Écrit par
- Martine RAVACHE : journaliste et iconographe
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Média