TINTORET. NAISSANCE D'UN GÉNIE (exposition)
De nouvelles attributions ?
La question de quelques nouvelles attributions proposées par Krischel dans cette exposition demeure plus délicate. Bien que l’hypothèse soit suggestive, on peine à retrouver la culture figurative et la manière de Tintoret – notamment dans la façon dont le maître construit et occupe, dès ses premières épreuves, la surface picturale : affolée, mouvementée, voire chaotique, dense, tendue, tout sauf paisible – dans le Labyrinthe de l’Amour de Hampton Court. Peu importe si les feuillages des arbres rappellent ceux de La Conversion de saint Paul ou si les motifs des textiles des petits personnages féminins semblent cohérents avec la mode de la décennie 1540. Ce tableau paraît bien plus proche de la tradition flamande figurant des « labyrinthes de jardin dans une perspective à vol d’oiseau » qui, selon Krischel, constitueraient une source d’inspiration pour Tintoret. Quant au Lavement des pieds de Grenoble, qui évoque quelque peu la version de ce même thème réalisée par Giuseppe Porta dit le Salviati pour l’église de San Polo, il s’agit d’un tableau « très altéré », comme le précise Krischel sans hésiter. Faut-il y voir une copie fidèle d’un original perdu du maître ou une œuvre exécutée par un autre artiste vénitien en rapport avec le Lavement des pieds de Tintoret pour San Marcuola (Madrid, Prado) ? Le nettoyage excessif de cette peinture ne permet malheureusement pas de trancher ces questions.
Après avoir parcouru les salles du musée du Luxembourg, aucun amateur avisé ne résistera à l’envie de revenir sur ses pas, au début du parcours, pour retrouver les encombrantes colonnes et les figures titanesques du puissant Jésusparmi les docteurs de Milan, dont le résultat de la restauration de 2017 est sans aucun doute l’une des plus belles surprises de cette exposition ; de même, contempler l’énergie nerveuse et vibrante de la Conversion de saint Paul de Washington et le regard obstiné et pénétrant du jeune maître dans l’Autoportrait de Philadelphie représente sans doute une merveilleuse manière de rendre hommage à Tintoret. Il ne restera ensuite qu’à l’admirer chez lui, à Venise, où son œuvre et la ville ne font qu’un.
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Écrit par
- Valentina SAPIENZA : professeure associée, université Ca'Foscari, Venise (Italie)
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Média