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TIRSO DE MOLINA (1580 env.-1648)

Une œuvre d'approche difficile

Ces problèmes, à vrai dire, n'effleuraient guère la pensée des historiens de la littérature quand, il n'y a pas si longtemps, la vie de Tirso appartenait à la seule légende : Álvarez Baena, au xviiie siècle, et les romantiques à sa suite avaient imaginé, selon le schéma classique du diable qui se fait ermite, que Tirso, après avoir vécu dans le siècle, était entré dans les ordres à un âge déjà mûr, abandonnant, avec Satan et ses pompes, le théâtre et le monde dissolu des acteurs et des actrices. Puis, emboîtant le pas à Blanca de los Ríos, qui avait fait de Gabriel Téllez un bâtard du duc d'Osuna sur la simple foi d'une inscription raturée et dont la lecture douteuse ne s'accorde pas avec d'autres documents plus probants, bon nombre de critiques de notre époque ont ramené toute l'interprétation de l'œuvre de Tirso à cette conjecturale filiation... La légende s'est dissipée au fur et à mesure que les érudits ont découvert les éléments qui permettent de connaître un peu mieux Tirso, tandis que l'hypothèse de la bâtardise et ses conséquences systématisées apparaissent de plus en plus légères. Il faut trouver d'autres explications, et il faut les chercher dans la vie de l'Espagne du xviie siècle, en se gardant de la réduire à ces simplifications pseudo-sociologiques qui ont trop souvent cours. C'est ainsi qu'on pourra comprendre comment les vers du théâtre de Tirso ou la prose de ses Vergers de Tolède (Cigarrales de Toledo, 1621), recueil aussi profane et divertissant que Deleitar aprovechando est grave et moralisateur, dépeignent tant de scènes sensuelles ou truculentes, tendres ou cruelles, bref, montrent aux yeux du spectateur ou du lecteur un tableau aussi éloigné de ce qu'on attend de la plume d'un ecclésiastique.

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