TIRSO DE MOLINA (1580 env.-1648)
Singularité du théâtre religieux
Qu'il soit biblique, comme La Vengeance de Thamar (La Venganza de Tamar), hagiographique, comme La Dame de l'oliveraie (La Dama del olivar) et la trilogie de Sainte Jeanne (Santa Juana), ou qu'il mette en scène cette question de la terre, du ciel et de l'enfer qui préoccupait si fort les esprits de cette époque, comme dans L'Abuseur de Séville et Le Damné par défiance (El Condenado por desconfiado), le théâtre religieux de Tirso a une saveur spécifique. La querelle d'authenticité entretenue sur ces deux dernières pièces apparaît tout à fait oiseuse si on les replace dans l'ensemble dont elles sont comme les fleurons. Pour s'en tenir à ces deux chefs-d'œuvre où les deux protagonistes sont brûlés du même feu infernal au terme d'aventures qu'on ne saurait imaginer plus dissemblables, don Juan parce qu'il croyait trop aux vertus d'un repentir toujours retardé, Paul parce qu'il croyait trop que ses fautes avaient scellé son sort, qui ne serait frappé par la qualité psychologique et une certaine noblesse des héros qui évitent à leur histoire de verser dans la pure démonstration théologique ?
Si on y regarde de plus près encore, on s'aperçoit que cette leçon est elle-même à la fois nette et complexe, c'est-à-dire difficile à réduire à un simple dogmatisme.
Certains critiques veulent voir dans ces deux œuvres les volets complémentaires d'un seul enseignement. D'autres les opposent. Il en est qui pensent que Tirso était un théologien profond. Il en est de plus réticents. On débat pour savoir si Tirso était thomiste, moliniste ou disciple de Zumel. Ce qui est certain, c'est qu'à aucun endroit de ces deux sommets de son théâtre il n'a sacrifié la construction scénique à l'enseignement doctrinaire. Sans doute est-ce à cause de ce merveilleux souffle dramatique qu'il a mérité qu'on l'ait souvent appelé le Shakespeare espagnol.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre GUENOUN : auteur
Classification
Autres références
-
COMEDIA, Espagne
- Écrit par Charles Vincent AUBRUN
- 2 605 mots
...rappelle aux Valenciens embourgeoisés et aux Madrilènes corrompus les vertus ancestrales auxquelles l'Espagne doit son unité, sa gloire et sa puissance. Tirso de Molina (le père Gabriel Téllez, de l'ordre de la Merci) condamne à une sorte d'enfer les religieux trop indépendants ; ainsi, il met en scène... -
DOM JUAN, Molière - Fiche de lecture
- Écrit par Christian BIET
- 1 130 mots
- 1 média
Avant Molière, Tirso de Molina en Espagne (L'Abuseur de Séville, 1630) avait créé le mythe de Don Juan en utilisant une série de légendes populaires pour prouver que la Providence divine, pourtant largement disponible, ne pouvait être pervertie ni convoquée in extremis par un jeune homme trop... -
DON JUAN
- Écrit par Michel BERVEILLER
- 5 639 mots
Cette histoire, le frère Gabriel (qui signait Tirso de Molina pour le théâtre) l'a-t-il inventée de toutes pièces ? Il est certain (cf. l'ouvrage capital de Gendarme de Bevotte) qu'il a mis à profit, en les fusionnant, des traits puisés à diverses sources littéraires et folkloriques. Il est beaucoup... -
ESPAGNE (Arts et culture) - La littérature
- Écrit par Jean CASSOU , Corinne CRISTINI et Jean-Pierre RESSOT
- 13 749 mots
- 4 médias
...l'Europe, prendra des formes si diverses, autorisant des interprétations aussi variées que profondes, le voici sous sa première figure, celle du Burlador de Tirso de Molina (1571-1658). Dès ses premières répliques, il présente le problème dans son expression la plus brutalement primaire : « Qu'est-ce ? – Eh...