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TOCCATA

Terme utilisé en musique, à partir de la fin du xvie siècle, pour désigner une pièce destinée à être touchée (toccare ; de même cantare a donné cantata et sonare, sonata) sur instrument à clavier. Auparavant, toccata s'entend parfois de pages instrumentales pour les cuivres. Les grands ricercari pour luth de Vincenzo Capirola (vers 1517) sont déjà des toccatas avant la lettre, par leur structure et leurs articulations musicales ; de même les deux ricercari pour orgue de Marcantonio Cavazzoni (1523), qui possèdent éminemment tous les éléments qui seront caractéristiques de l'écriture de la toccata : accords fournis, passages rapides au-dessus ou autour de notes tenues ou sur des figures complémentaires, richesse des éléments ornementaux, ampleur de l'œuvre, structure libre et proche de la fantaisie improvisée, liberté harmonique et contrapuntique fort grande eu égard aux compositions vocales qui lui sont contemporaines. Aussi bien par sa forme que par sa destination, la toccata diffère à peine du prélude qui introduit à une polyphonie vocale. Elle est un art de préluder, art d'improvisation, art d'« intonation » qui trouve son emploi dans l'introduction aux cérémonies liturgiques, durant les défilés des seigneurs ou des dignitaires, et pour assurer les transitions entre les diverses parties du service liturgique. L'organiste assume de telles fonctions musicales depuis le xve siècle au moins. La toccata ne fait qu'en préciser la forme d'écriture. Avec elle, le divorce est catégorique entre instrument et voix. Son écriture s'appuie sur une donnée harmonique qui confère une valeur absolue à l'accord ; en outre, elle brille du prestige que l'ordre rythmique infuse à une virtuosité toujours plus grande — elle aussi typiquement instrumentale (sons répétés, batteries, arpèges, gammes, et autres figures ornementales). Jusqu'à l'apparition du piano, la toccata est écrite avant tout pour le clavecin et l'orgue. Son mouvement rythmique continu se rapproche de la conception du perpetuum mobile.

Il ne sera possible dans les limites de cet article que de marquer les sommets les plus éclatants de la toccata aux xviie et xviiie siècles. Dans ses deux livres de toccatas (1598), Merulo déploie une impétuosité prodigieuse lors des passages rapides entre lesquels se développe une section polyphonique, apparentée au ricercare. Cette forme (deux mouvements rapides de style fugué encadrant un mouvement lent) se rapproche de l'ouverture à l'italienne. Avec Frescobaldi, une conception nouvelle de la virtuosité se fait jour (Toccate e partite d'intavolatura di cembalo, 1615, les premières qu'il ait écrites), qui gravite autour d'un pôle dramatique expressif : la violence, la rapidité, la mobilité des voix, la libre technique de la variation, la fluidité des thèmes et des sonorités harmoniques sont au service d'un intense lyrisme et d'une dramatisation instrumentale dont on ne trouvera quasiment aucun exemple avant Georg Muffat et J.-S. Bach. L'organiste romain prend soin d'indiquer qu'il veut des affetti cantabili e diversità di passi (un chant plein d'affects et une variété de mouvement). L'audace de l'harmonie l'emporte sur la hardiesse de l'architecture : les toccatas per l'organo da sonarsi alla levatione, les toccatas chromatiques des Fiori musicali en sont les exemples les plus parfaits. Avec Alessandro Scarlatti, l'élément fugué se présente souvent indépendamment et préfigure le binôme magistralement illustré par Bach : toccata et fugue. Il écrit aussi bien des toccatas pour orgue que pour clavecin.

D'Italie, la toccata monte en Allemagne du Sud. Ainsi, Johann Jacob Froberger compose vingt-cinq toccatas ; elles obéissent toujours au même moule : deux ou trois accords imposent[...]

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Écrit par

  • : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien

Classification

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