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BROWNING TOD (1882-1962)

Le premier et le plus célèbre des cinéastes fantastiques américains était un homme qui se méfiait du surnaturel, le déjouant souvent ou s'en moquant dans ses films, pour insister sur la vraie nature de l'étrange : celle qui habite l'âme humaine. Il était plus proche d'un auteur réaliste tel que Eric von Stroheim que de ses nombreux épigones plus soucieux d'effets chocs que de recherches psychologiques ou narratives.

Freaks, de Tod Browning, 1932, affiche - crédits : Movie Poster Image Art/ Getty Images

Freaks, de Tod Browning, 1932, affiche

On connaît peu de choses de la vie privée de Tod Browning. Il naît à Louisville (Kentucky). Adolescent, il fuit le domicile parental et rejoint une troupe de cirque où il sera successivement clown et contorsionniste. Cet univers marque la plupart de ses films, notamment ses chefs-d'œuvre, The Unknown (L'Inconnu, 1927) et Freaks (1932), où s'exprime une féroce critique des conventions sociales et des critères de bienséance et de normalité. Le jeune homme devient un acteur de vaudeville. Un collègue le présente, en 1913, à David Wark Griffith. Tod Browning rejoint la famille du cinéma comme acteur et cascadeur avant de diriger, en 1916, son premier court-métrage, The Living Death. Après voir été l'assistant d'Eric von Stroheim et de Griffith, il met en scène son premier long-métrage en 1917 : il s'agit de Jim Bludso, un mélodrame situé durant la guerre de Sécession.

Après avoir confectionné quelques films alimentaires, le jeune cinéaste rejoint la firme Universal en 1919. Il réalise, la même année, The Wicked Darling (Fleur sans tache), un film policier dans lequel il dirige, pour la première fois, Lon Chaney. Fils de parents sourds, Chaney dut rapidement apprendre à s'exprimer par la mimique et le corps. Sensiblement du même âge que Browning, le tragédien va imprégner durablement les dix films qu'il tourne avec l'auteur de L'Inconnu. Les deux hommes formeront le premier tandem mythique du cinéma fantastique. Le film le plus remarqué des débuts de Browning est Outside the Law (Révoltés, 1921), où Chaney donne la réplique à la star du muet Priscilla Dean dans un thriller qui se déroule, en partie, à Chinatown.

En 1924, Browning sombre dans l'alcoolisme et tourne peu. Il découvre les classiques du cinéma expressionniste allemand diffusés aux États-Unis : Le Cabinet du docteur Caligari (Robert Wiene, 1919), Le Golem (Paul Wegener, 1920)... L'atmosphère ténébreuse qu'il y décèle, le jeu d'ombres qui stylisent les personnages contribuent à forger son style. Le patron de la Metro Goldwyn Mayer, Irving Thalberg, propose le scénario de The Unholy Three (Le Club des trois, 1925) au cinéaste qui, avec l'aide de Lon Chaney, en tire son premier chef-d'œuvre, qui sera aussi un succès commercial. Ce film – dans lequel joue le nain Harry Earles, vedette du futur Freaks – contient tout l'art poétique du cinéaste. Trois phénomènes, un Hercule, un ventriloque et un nain, échappés d'un cirque, montent une association d'escrocs. Chaney, en ventriloque, et Earles, en bébé pervers, déjouent constamment notre idée du réel, créant une altérité des sens propre à exprimer le pessimisme et le goût de la relativité qui seront désormais la marque de Browning. C'est dans l'âme humaine que se niche la monstruosité. Cet axiome se vérifie dans Freaks (1932), où les phénomènes de la nature (nains, sœurs siamoises, femme à barbe...) se révèlent plus humains que les personnages « normaux » animés par l'appel du profit et par la haine.

<em>Dracula</em>, T. Browning - crédits : The Granger Coll NY/ Aurimages

Dracula, T. Browning

Paradoxalement, ce pionnier du cinéma fantastique n'a réalisé qu'un seul film, Dracula (1931), qui appartient pleinement au genre (avec, partiellement, The Devil Dolls[Les poupées du diable], 1936). Le scénario, tiré d'une pièce de théâtre inspirée du roman de Bram Stoker, était destiné à mettre en avant les talents de Lon Chaney. À la mort de ce dernier, intervenue[...]

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Freaks, de Tod Browning, 1932, affiche - crédits : Movie Poster Image Art/ Getty Images

Freaks, de Tod Browning, 1932, affiche

<em>Dracula</em>, T. Browning - crédits : The Granger Coll NY/ Aurimages

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