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TOLÉRANCE ZÉRO

Venue des États-Unis, la notion de « tolérance zéro » a pris une place importante dans le débat public français, dans le contexte électoral des années 2001 et 2002. Tout en se démarquant plus ou moins nettement du modèle américain, la plupart des responsables politiques (à l'exception des écologistes et de l'extrême gauche) ont repris à leur compte cette idée pour signifier à l'opinion publique qu'ils entendaient à la fois apporter des réponses à la délinquance et aux « incivilités » et améliorer l'efficacité du système pénal pour réduire « l'impunité » dont bénéficieraient quantité d'auteurs d'actes de délinquance. De nombreux observateurs ont ainsi pu parler de l'imposition progressive, dans le débat public puis dans l'action gouvernementale, d'une « tolérance zéro à la française ». Mais connaît-on précisément l'origine de cette expression ? Est-il avéré qu'elle recoupe une politique efficace de réduction de la délinquance aux États-Unis ? Les recherches permettent de dépasser nombre d'idées reçues en la matière.

À l'origine de la « tolérance zéro » : une réorganisation de la police new-yorkaise

L'histoire commence avec l'expérience de sécurisation du métro de New York par deux policiers aux méthodes innovantes (William Bratton et Jack Maple), durant la première moitié des années 1990. Il s'agit pour la police de ne plus se contenter de rechercher les délinquants signalés mais d'être beaucoup plus présente sur le terrain afin d'arrêter plus systématiquement les fraudeurs, les drogués, les tagueurs et les mendiants, dont on présume que certains sont aussi des délinquants, au moins occasionnels. En traquant tous les gibiers, on espère attraper aussi bien les petits que les gros. Fort de ses résultats dans le métro (une importante réduction des vols, une chute de la fraude, la raréfaction de la mendicité), Bratton est nommé en 1994 à la tête de la police de New York par le nouveau maire Rudolph Giuliani qui a placé les questions de délinquance et de police au cœur de sa campagne électorale (avec le soutien notable du syndicat des policiers de la ville de New York). Pour mettre en œuvre à grande échelle sa nouvelle politique de sécurité, Bratton obtient rapidement une forte augmentation des effectifs de police (portés de 30 000 à 40 000 hommes en quelques années, pour une ville de 7,5 millions d'habitants), une réorganisation des moyens statistiques d'évaluation locale à la fois de la criminalité et de l'efficacité policière (grâce notamment à un système informatique baptisé Compstat et qui est devenu quasi mythique à New York), les moyens de faire pression pour « remettre les policiers dans la rue » et intensifier leurs contrôles sur la voie publique, à l'affût des moindres infractions, et le droit de saisir immédiatement les armes découvertes au cours des fouilles. Au cœur de l'opération, il s'agit donc d'imposer à la police de nouvelles façons de travailler et d'être évaluée : un nouveau management de la police. Cette dernière doit être « sur le terrain », elle doit s'attaquer à tous les petits désordres et non simplement aux crimes traditionnels, elle doit être évaluée statistiquement au niveau du quartier et les responsables de chaque commissariat doivent rendre des comptes chaque semaine à leur directeur général. Pour réaliser cette réforme profonde des habitudes de travail des policiers, en plus des moyens budgétaires, Bratton pourra notamment licencier une partie de la hiérarchie policière et faire chuter sa moyenne d'âge. Au fond, comme le note Loïc Wacquant, « il dirige l'administration policière comme un industriel le ferait d'une firme jugée sous-performante par ses actionnaires ».[...]

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Écrit par

  • : sociologue, chercheur au C.N.R.S. (Cesdip), enseignant à l'université de Saint-Quentin-en-Yvelines

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Autres références

  • ENFANCE (Situation contemporaine) - Le droit de l'enfant

    • Écrit par
    • 9 311 mots
    ...notion d'insécurité, dont l'apparition est pourtant datée (1983) et politiquement connotée comme une invention de l'extrême droite ; il en est de même de la tolérance zéro, empruntée à la campagne électorale d'un maire de New York et transposée sans précaution dans un fonctionnement judiciaire français...