TOM JONES, Henry Fielding Fiche de lecture
Une fresque sociale
Malgré son ampleur, ce roman, véritable fresque de la société anglaise du xviiie siècle, possède de très grandes qualités de narration, une justesse d'expression teintée d'une bonne dose de causticité et de comique. Ce n'est certes pas par hasard si Fielding plaça en exergue de son roman cette phrase : « J'ai vu les mœurs de nombreux hommes. »
Ouvertement inspiré du Don Quichotte de Cervantès (1615), du Gil Blas de Lesage, de La Vie de Marianne (1731-1738) et du Paysan parvenu (1734-1735) de Marivaux, Tom Jones comprend dix-huit livres réunis en six volumes. Cette œuvre qui coûtera à Fielding « plusieurs milliers d'heures de travail » est un modèle d'équilibre : le caractère des personnages y est clairement défini au point que ce n'est plus, comme dans le picaresque History of the Adventures of Joseph Andrews, les péripéties qui déterminent les caractères mais l'inverse. Riche de son expérience de journaliste, Fielding brosse le portrait très réaliste d'une quarantaine de protagonistes. À la suite de ses multiples mésaventures, Tom Jones rencontre des personnages exemplaires de chaque classe sociale, ce qui permet au lecteur de comparer les mœurs du Somersetshire et celles de Londres, où les membres de l'aristocratie vivent avec plus de licence que le petit monde de la campagne.
La complexité de l'intrigue est systématiquement accompagnée par de petits chapitres liminaires où l'auteur explicite ses idées et ses buts esthétiques : « Avant de poursuivre ensemble plus avant, je crois bon, cher lecteur, de t'avertir que j'ai l'intention de me lancer dans des digressions tout au long de ce récit et aussi souvent que j'en verrai l'occasion, ce dont je suis moi-même meilleur juge que n'importe quel pitoyable critique. » Ces indications pleines d'humour permettent à Fielding de dialoguer avec son lecteur, de lui confier ses secrets et le sens profond des événements en cours. À sa parution, le livre rencontra un succès phénoménal malgré le scandale causé par certaines scènes jugées indécentes et osées ; un critique traita même le roman de « salmigondis de bâtardise, de fornication et d'adultère ». Le romancier écossais Walter Scott (1771-1832) qui admirait infiniment Tom Jones allait jusqu'à penser que cette œuvre très représentative de la vieille Angleterre défiait « toute traduction » et qu'un Écossais ou un Irlandais ne pouvait en comprendre les subtilités ! Tom Jones ne fut pas seulement ce qu'on appelle aujourd'hui un best-seller mais sans doute un des premiers romans de la « nationalité anglaise ».
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Claude-Henry du BORD
: professeur d'histoire de la philosophie, critique littéraire à
Études , poète et traducteur
Classification
Autres références
-
FIELDING HENRY (1707-1754)
- Écrit par Alexandre MAUROCORDATO
- 2 016 mots
L'œuvre suivante, Tom Jones, est la seule qui soit, grâce au cinéma, connue en France du grand public. C'est aussi le plus achevé des romans de Fielding. Il raconte les aventures et les mésaventures d'un enfant trouvé, élevé par le riche Mr. Alworthy. Il s'entend mal avec ses deux maîtres, Thwackum...