WESSELMANN TOM (1931-2004)
En empruntant dans sa peinture certains traits à la communication commerciale, et plus encore, en traitant à satiété de l'objet idéal du consommateur moderne – le corps féminin mis au rang de marchandise désirable en même temps que confronté à l'héritage du nu artistique –, en jouant d'une fascination ironique pour la figure de la poupée gonflable et d'une réelle et inventive habileté quant aux questions de peinture, l'artiste américain Tom Wesselmann a contribué de manière décisive à ancrer l'imaginaire du pop outre-Atlantique dans l'ordre de la pulsion et de l'équivoque entre intime et public, entre affect et indifférence, détourant ainsi une image nette du sujet que forge la société de son temps. Wesselmann est mort en décembre 2004 à New York, des suites d'une opération cardiaque.
Né en 1931 à Cincinnati dans l'Ohio, il a, à un an près, l'âge de Warhol, d'Oldenburg et de Rosenquist. Comme nombre des artistes pop, il emprunte un itinéraire indirect avant de devenir artiste, étudiant la psychologie avant d'aborder l'art, dans sa ville natale puis, à partir de 1956, à la Cooper Union de New York. Pendant plusieurs années encore, il va dessiner pour des magazines, parallèlement à son art. S'il s'exerce d'abord dans une veine expressionniste, c'est le geste décisif du collage qui l'amène au travail par lequel on le connaît bientôt. Dès 1959, il assemble des collages d'abord abstraits. Mais c'est le nu féminin qu'il identifie bientôt comme la matière de son œuvre : le premier de ses Great American Nudes (Grands Nus américains) date de 1961, année de sa première exposition personnelle à la Tanager Gallery, à New York. Il expose vite et beaucoup, dans le vent du mouvement pop : à la Green Gallery (en 1962, 1964 et 1965), chez Sonnabend à Paris (exposition collective dès 1963) et à New York (chez Sonnabend en 1966, chez Sydney Janis en 1966 et 1968).
Même si Wesselmann s'est montré réservé sur son rattachement au pop art (trop « proche du commerce », dira-t-il), l'inscription de son œuvre dans ce mouvement est plutôt rapide, grâce à des expositions-programmes comme The New Realists (Sydney Janis Gallery, 1962) et Recent Painting (MoMA, 1962-1963) à New York, ou en Europe The Popular Image (Institute of Contemporary Arts, Londres, 1964) et American Pop Art (Stedelijk Museum, Amsterdam, 1964). Wesselmann est aussi présent à lors des Documenta 4 (1966) et 6 (1977) de Kassel. Il ne cesse guère d'exposer désormais. En 1996, le musée d'Art moderne et contemporain de Nice lui consacrait une exposition, dernière étape d'une rétrospective itinérante d'une centaine d'œuvres à travers l'Europe (Tübingen, Bruxelles, Berlin, Rotterdam, Paris, Barcelone...). Il est représenté dans nombre de collections américaines, en Allemagne, moins bien cependant en France (au musée de Grenoble, mais pas au Musée national d'art moderne.
La distance prise à l'égard du pop par Wesselmann tient en tout cas à une réalité plastique : ses stratégies s'appuient bien plus sur l'héritage formel moderniste, se référant, implicitement et souvent explicitement, aux héritages de Mondrian, Matisse et De Kooning. On se souvient du rôle que la figure féminine a tenu chez ces derniers, mais chez Wesselmann se posent avec la plus grande acuité les questions de la planéité, du volume de la couleur, de la grammaire en parataxe (ou en juxtaposition) héritée de l'expérience des papiers collés et de l'assemblage, celle de la frontalité du tableau et de son échelle, ou encore celles du dessin et du trait. Ses nus, surdéfinis par les formes de tétons, de bouches ou de toisons stylisés jusqu'à se faire motif décoratif, ont de la masse plus que du relief, et confinent l'érotisme[...]
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Écrit par
- Christophe DOMINO : critique d'art
Classification
Autres références
-
POP ART
- Écrit par Bertrand ROUGÉ
- 3 816 mots
- 2 médias
...peindre ». En effet, ses techniques ne s'apparentent pas à celles du réalisme ou de l'illusionnisme. Avec leurs grands à-plats de couleurs acryliques, Tom Wesselmann, dans sa série des Great American Nudes, Allan D'Arcangelo dans ses scènes stylisées de la route américaine et Robert Indiana, dans ses...