VIX TOMBE DE
Échanges, trafics, commerce ?
Il restait à s'interroger sur les modalités de la circulation des objets méditerranéens, en particulier dans des cas aussi exceptionnels que celui du cratère de Vix. L'anthropologie a paru fournir des modèles adéquats. On a fait appel à la notion du don et du contre-don, élaborée par Marcel Mauss. L'échange de cadeaux, comme on le voit très bien dans l'Odyssée, est au centre des relations entre les princes. L'un prouve sa richesse et sa position sociale en offrant à son hôte un objet de grand prix. Celui qui l'a reçu doit, sous peine de perdre son prestige et son rang, répondre par un contre-don encore plus prestigieux. L'ethnologie connaît beaucoup d'exemples de ce potlatch. De la même façon, mais cette fois de la part des commerçants marseillais à l'égard des princes de Vix, on a, dès le début, vu dans le cratère une sorte de cadeau diplomatique à ceux qui tenaient la clé de la voie de l'étain.
Le problème de fond, pour lequel les réponses ont été longtemps, plus encore pour le monde grec archaïque que pour les civilisations périphériques, liées à la fidélité plus ou moins grande des divers auteurs aux schémas marxistes, est de savoir si on a le droit d'employer le terme moderne de « commerce » pour ce type de trafics et dans ce type de société, qui ignore l'usage de la monnaie. De toute façon, la continuité des échanges à longue distance et des routes suivies montre, dans un monde qui semble avoir été pacifique, des circuits réellement organisés. Nous en avons probablement deux sites-étapes : Vaise, au nord de Lyon, et Bragny, au confluent de la Saône et du Rhône. Dans les deux cas, en bord de rivière, sur un point important qui a pu être un carrefour, on a deux des types d'objets que l'on trouve sur les sites princiers : les amphores de Marseille et la céramique attique. Sur plusieurs autres sites, jusqu'en Franche-Comté, les restes de vases à boire provençaux de qualité très commune – la céramique dite grise ondée – sont la vaisselle d'usage de ceux qui accompagnaient les amphores jusqu'en Bourgogne et en rapportaient, entre autres, l'étain. Les importantes découvertes faites à Arles dans les années 1980, où la céramique attique apparaît, comme au mont Lassois, vers 550 ou 540, ne sont pas publiées : on a été tenté de faire d'Arles, qui occupe une position stratégique, le premier de ces relais ou étapes dans les relations de Marseille avec la Gaule intérieure.
Dans les années 1990, les découvertes et les réflexions sur ces points concernent la voie du Rhône et les relations de Vix et de Marseille. Mais ni l'étain de Cornouailles, ni l'activité de Marseille ne rendent compte des résidences et des tombes princières du Bade-Wurtemberg, déjà liées à l'Italie du Nord une génération au moins avant les débuts du site princier du mont Lassois. La seconde matière première du Nord lointain qu'évoque Hérodote à côté de l'étain, l'ambre, dont il ne savait pas qu'il venait de la Baltique, n'a pas assez d'importance économique pour expliquer la richesse de toute la partie du domaine hallstattien occidental située à l'est du Rhin. On a donc pensé à d'autres marchandises, le sel, les peaux, les esclaves.
Le livre de Patrice Brun (1987) tente d'appliquer au monde hallstattien le modèle de l'« économie-monde » de Fernand Braudel en définissant, à partir de la Méditerranée, trois cercles concentriques où l'influence culturelle des Grecs et des Étrusques, avec ses aspects économiques et ses conséquences sociales, détermine trois zones distinctes, jusqu'à l'Europe du Nord ; la clarification conceptuelle qui en découle dissimule probablement la complexité des situations locales.
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Écrit par
- Claude ROLLEY : professeur émérite de l'université de Bourgogne
Classification
Médias
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