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TOMBOUCTOU

Le patrimoine culturel de Tombouctou

Classée en 1988 au patrimoine mondial de l'U.N.E.S.C.O. et en juin 2012 au patrimoine mondial en péril, avec ses trois grandes mosquées et ses nombreux mausolées, Tombouctou s'imposa très tôt comme une capitale intellectuelle et spirituelle, considérée comme un centre de propagation de l'islam en Afrique aux xve et xvie siècles.

En 1324-1325, l'empereur du Mali Mansa Musa (ou Kankan Musa) s'y arrête et demande à un architecte andalou, Abou Ishaq es-Saheli, d'y construire la mosquée de Djingareyber, l'une des plus anciennes mosquées subsahariennes encore en activité. De nombreux monuments sont érigés à Tombouctou, dont la mosquée de Sidi Yahia en 1440, qui recelait une porte en bois historique qui « ne pouvait être ouverte sous peine de voir la fin de la cité » ou la mosquée de Sankoré au xvie siècle.

En 1458, Tombouctou est intégrée dans l'Empire Songhay, puis contrôlée par les Marocains de 1591 à 1760. Son caractère cosmopolite et son rayonnement dans le monde islamique attirent alors de nombreux savants géographes, philosophes, juristes... Certains d'entre eux, dont la mémoire est honorée par la population, sont inhumés dans des constructions en terre crue plus ou moins monumentales, qui font encore aujourd'hui l'objet d'un véritable culte, assimilé à des protecteurs dans la ville. Celle-ci est d'ailleurs surnommée la « cité des 333 saints ».

<it>Tarikh</it> de Cheikh Ahmadou - crédits : APA

Tarikh de Cheikh Ahmadou

L 'histoire de Tombouctou est relatée dans plusieurs chroniques historiques, les Tarikhs. Ces dizaines de milliers de manuscrits, fragiles et souvent encore inédits, ont été pour la plupart rédigés en arabe ou en peul du xiie au xiiie siècle et recopiés aux xviiie et xixe siècles. Parmi les plus célèbres se trouve une copie originale du Tarikh es-Sudan, écrit entre 1627 et 1655 par Es-Sa'di, un imam et secrétaire du gouverneur de Tombouctou. Ces témoins d'un islam rayonnant et ouvert sur le monde, les Tarikhs sont répartis entre le Centre de documentation et de recherches Ahmed Baba (où ils sont en cours de numérisation) et des bibliothèques religieuses (dont celles de certaines médersa) ou par les grandes familles de la ville, avec des centaines d'autres manuscrits traitant de sujets tant religieux que profanes.

En 2012, la porte de la mosquée de Sidi Yahia est détruite par des islamistes dans la mouvance d'Al-Qaida au Maghreb islamique, qui récidivent avec la destruction partielle ou complète de mausolées. Présentées dans un premier temps comme des représailles à la décision de l'U.N.E.S.C.O. de classer Tombouctou au patrimoine mondial en péril, ces destructions sont en fait l'œuvre d'un mouvement politico-religieux pour lequel les cultes personnalisés dédiés aux personnages saints sont incompatibles avec un islam où seul le Prophète peut être invoqué. Les manuscrits, considérés comme « impies » par les islamistes radicaux, ont également été menacés de destruction.

— Éric HUYSECOM

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Écrit par

  • : professeur d'histoire contemporaine de l'Afrique, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, directeur du C.E.M.A.F. (Centre d'études des mondes africains, U.M.R. 8171)
  • : professeur, directeur du Laboratoire archéologie et peuplement de l'Afrique de l'université de Genève

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Médias

Mosquée de Djingareyber, Tombouctou - crédits : Insights/ Universal Images Group/ Getty Images

Mosquée de Djingareyber, Tombouctou

<it>Tarikh</it> de Cheikh Ahmadou - crédits : APA

Tarikh de Cheikh Ahmadou

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