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TESSAI TOMIOKA (1836-1924)

Lorsqu'en 1858 le Japon s'ouvre à l'étranger, après trois siècles d'isolement total, l'enthousiasme des amateurs et des artistes pour les arts occidentaux provoque une sorte de désintérêt pour la tradition japonaise. Ce brusque passage du Japon au rang de « pays moderne » se reflète dans un art dont l'évolution va revêtir, dès lors, des aspects variés et complexes.

Dans le domaine de la peinture, on distingue deux courants principaux : l'un occidental, soutenu par des artistes ayant séjourné en Europe pour parfaire leurs connaissances ; l'autre japonais (le yamato-e), qui reprend ses droits dès la fin du xixe siècle. En fait, cette dernière tendance est elle-même touchée par l'introduction de la peinture occidentale. Et à Kyōto, centre de la peinture traditionnelle, Takeuchi Seihō (1864-1942) est le tenant d'un style révolutionnaire qui allie le yamato-e à la perspective et aux techniques venues de l'Ouest. C'est l'« orientalisme », qui donnera bientôt naissance au « néo-classicisme », tendance dominante de la peinture de style japonais pendant la première moitié du xxe siècle.

Réagissant contre ce courant, plusieurs mouvements se succèdent, au cours de cette même période, qui adoptent de nouveaux thèmes et une nouvelle utilisation du pinceau. Parmi ces artistes, d'une indéniable originalité, se situe Tomioka Tessai.

L'enfance d'un lettré

Bien que l'on puisse voir en Tomioka Tessai un des plus grands peintres du Japon moderne, lui-même s'est toujours considéré plus comme un lettré que comme un peintre. Pour lui en effet, la peinture n'est qu'un divertissement, qu'il pratique à l'écart des milieux artistiques, dans un style libre, imperméable aux tendances modernes et caractérisé par une profonde individualité. Cela s'explique par son éducation.

Tessai naquit à Kyōto, alors capitale du Japon, dans une famille aisée de confectionneurs, spécialistes de vêtements sacerdotaux, et dans un pays en pleine mutation, au sortir d'une féodalité séculaire. Dès son jeune âge, son goût marqué pour l'étude, encouragé par sa famille, permet à Tessai de préserver son équilibre malgré l'atmosphère troublée dans laquelle il grandit. Une grave maladie d'enfance lui laisse une légère surdité, qui accentue encore son amour des livres : très jeune, il est initié aux classiques confucéens, de même qu'au taoïsme, au bouddhisme, à l'histoire et à la littérature japonaises.

Sa rencontre avec la nonne poétesse Otagaki Rengetsu est un événement déterminant pour l'avenir de cet adolescent érudit. Et tandis qu'il calligraphie sur des poteries des poèmes de la religieuse, celle-ci, avertie des dons de Tessai, l'initie à l'art poétique et aux classiques chinois et japonais. Cette expérience va contribuer à former une personnalité originale et explique la haute spiritualité dont ses œuvres sont imprégnées.

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