TON DUC THANG (1888-1980)
Président de la république socialiste du Vietnam, pionnier et doyen du mouvement ouvrier vietnamien, Ton Duc Thang est né le 20 août 1888 dans une famille paysanne de la province de Longxuyen, dans ce qui était alors la Cochinchine française. Il fait son apprentissage à l'École pratique industrielle de Saigon dont il est diplômé en 1910. Il devient alors ouvrier dans une usine française de la capitale du Sud. Mais, dès 1912, il organise des grèves tant à l'École industrielle qu'à l'arsenal de Saigon. Inquiété par les autorités, il se réfugie alors en France (1912), où il trouve un emploi à la compagnie des Messageries maritimes.
Mobilisé en 1914, il sert pendant toute la guerre comme mécanicien dans la marine française. En 1919, il est sur un des navires de l'escadre française envoyée en mer Noire pour soutenir les blancs contre les bolcheviks. Au côté d'André Marty, il refuse de se battre contre ces derniers et c'est lui qui hisse le drapeau rouge sur le navire amiral. Chassé alors de la marine, ce « mutin de la mer Noire » revient à Paris, où il travaille pendant un an chez Renault, adhère à la C.G.T. et milite à la fois dans les syndicats français et dans les organisations vietnamiennes de France.
Revenu à Saigon en 1920, il s'emploie à créer des syndicats clandestins à Saigon-Cholon. Pendant la période de domination française, en effet, toute activité syndicale restera interdite au Vietnam jusqu'en 1945. Il s'initie alors au marxisme-léninisme. Il organise et mène parmi les marins et les ouvriers de Cochinchine des grèves, dont la plus importante est celle des ouvriers de l'arsenal de Saigon en août 1925, déclenchée autant pour gêner l'intervention française en Chine que pour des raisons professionnelles.
Ton Duc Thang est alors mécanicien à la centrale électrique de Cho Quan. En 1926, il adhère au Thanh Nien (l'association de la Jeunesse révolutionnaire du Vietnam) que Nguyen Ai Quoc, le futur Hô Chi Minh, vient de fonder à Canton et, en 1927, il est élu au comité exécutif régional (Cochinchine) de l'association. C'est lui qui, par sa position dans les syndicats clandestins, établit une liaison suivie, d'une part avec Canton et Hong Kong, et d'autre part avec le mouvement ouvrier et le Parti communiste français dont les publications sont introduites secrètement en Indochine. Il contribue efficacement au développement de la conscience de classe dans le prolétariat cochinchinois et fait de Saigon-Cholon le principal centre des luttes ouvrières vietnamiennes. La plupart des adhérents des syndicats clandestins (dits syndicats rouges) deviendront après 1930 membres du Parti communiste indochinois ; mais l'action de Ton Duc Thang dans le monde ouvrier a précédé de plusieurs années celle du P.C.I.
Considéré par les Français comme un agitateur dangereux, Thang est poursuivi par la Sûreté. À la fin de 1929, il est arrêté puis condamné, pour « sédition et complicité de meurtre », à vingt ans de travaux forcés. Il est déporté, en juin 1930, au bagne de Poulo Condore. Il y restera quinze ans. Libéré par la révolution d'août 1945, il participe activement, avec Tran Van Giau, à la mise en place du régime Viet-minh dans le Sud. Au début de 1946, il rejoint, à Hanoi, Hô Chi Minh et le gouvernement de la république démocratique du Vietnam, qui a proclamé l'indépendance. La lutte contre la France continue. Ton Duc Thang représente déjà, dans le mouvement national, la vieille génération (il a deux ans de plus que Hô Chi Minh). Son âge et sa condition physique médiocre, le fait que pendant si longtemps il ait été isolé, par la captivité, du « courant principal » expliquent qu'on lui confie désormais des fonctions plus représentatives qu'exécutives : vice-président du Front national uni (Lien- Viet) en mai 1946, il est néanmoins pendant quelques mois (avril-octobre 1947) ministre[...]
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Écrit par
- Philippe DEVILLERS : docteur ès lettres (histoire), historien, professeur (relations internationales)
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