TONEGAWA SUSUMU (1939- )
Tonegawa Susumu est l'exemple accompli de ce nouveau type de biologistes japonais formés aux États-Unis et en Europe après le second conflit mondial. Né à Nagoya, au Japon, le 6 septembre 1939, il a travaillé dans son pays d'origine, à Kyōto, successivement au département de chimie de l'université, puis à l'Institut de recherches en virologie, de 1959 à 1963.
Attiré par les conditions de la recherche aux États-Unis et surtout rebuté par la pesanteur de la hiérarchie qui règne dans l’université japonaise, il entre en 1963 au département de biologie de l'université de Californie, à San Diego, où il effectue son doctorat, puis travaille au Salk Institute dans le laboratoire de Renato Dulbecco, un tenant de la théorie de l’origine virale des cancers, Prix Nobel de physiologie ou médecine en 1975. L'étape la plus féconde de sa carrière de chercheur aura lieu cependant en Europe, à l'Institut d'immunologie de Bâle, où il reste dix ans (1971-1981). Il est alors le troisième chercheur de l'Institut d'immunologie de Bâle à recevoir le prix Nobel de physiologie ou médecine (1987), après Niels Jerne et Georges G. F. Köhler en 1984. L’Institut d’Immunologie de Bâle, fondé par le laboratoire Hoffmann-La Roche en 1969, a été le lieu des plus importantes découvertes en immunologie de la seconde moitié du xxe siècle, jusqu’à sa fermeture en 2000. Son organisation a été souvent copiée dans le monde pour tenter d’imiter sa productivité, sans jamais être égalée.
Tonegawa s’est attaqué au problème alors incompris de la diversité des récepteurs d'antigènes au sein du système immunitaire. En bref, la diversité des anticorps qui circulent dans le sang et la lymphe et qui sont dotés d’une diversité quasi infinie de reconnaissance d’antigènes différents, est telle qu’elle excède largement la capacité de codage du génome. C'est ce mécanisme de génération de la diversité (encore appelé plaisamment GOD) qui a été élucidé par Tonegawa. En se servant des techniques encore très nouvelles de la biologie moléculaire (ce qui lui a valu la réputation d’être le chercheur le plus « radioactif » du monde) Tonegawa montre que cette diversité est due à l'assemblage aléatoire d'un nombre limité de fragments génétiques, produisant de ce fait un nombre immense de séquences d’ADN et donc de protéines différentes, diversité encore amplifiée par la modification de ces séquences après les réarrangements de l’assemblage. La contribution de S. Tonegawa, qui reçoit le prix Nobel en 1983, est donc d'avoir « inventé » un système génétique qui vient pallier la relative pauvreté du génome et permet à l'organisme de répondre à un nombre quasi illimité de cibles moléculaires différentes. Peu d’années après, mais alors il n’est plus le seul à en faire la découverte, Tonegawa montre qu’un mécanisme identique est à l’œuvre dans la diversité de reconnaissance des antigènes dans l’immunité cellulaire.
Il est nommé professeur au M.I.T. en 1981. Tout en poursuivant activement ses recherches en immunologie moléculaire, il crée un laboratoire de neurobiologie devenu en 1994 le Picower Institute for Learning and Memory, un des centres du M.I.T. consacré aux sciences cognitives. Il le dirige jusqu’en 2006 après avoir, entre-temps, créé et dirigé un des laboratoires des Frontiers Research Programs de l’Institut Riken à Wako-shi, au Japon, consacré également à la neurobiologie. Le Picower Institute est d’ailleurs associé à l’Institut Riken. Après son retrait du poste de directeur, Tonegawa continue à travailler sur les mécanismes de la mémoire en particulier et à diriger un laboratoire en propre dans le cadre Riken-M.I.T. à Boston. Il dirige depuis 2009 le Riken Brain Science Institute à Wako-shi près de Tōkyō.
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
- Didier LAVERGNE : docteur en médecine
Classification
Média
Autres références
-
GÉNÉTIQUE
- Écrit par Axel KAHN , Philippe L'HÉRITIER et Marguerite PICARD
- 25 873 mots
- 31 médias
...rapprochement du segment génétique codant pour la partie constante de ces molécules. Ces travaux, qui ont valu en 1987 le prix Nobel de médecine à Susumu Tonegawa, expliquent comment peuvent être synthétisées des molécules-anticorps ou récepteurs T qui comportent une partie hautement variable spécifique...