BLAIR TONY (1953- )
L'exercice du pouvoir
Après son arrivée au pouvoir, Tony Blair jouit rapidement d'une popularité inégalée, atteignant un taux d'approbation de 90 points, au moment du congrès travailliste d'octobre 1997. En outre, son équipe, bien que dépourvue de toute expérience gouvernementale, donne très vite une impression de grande compétence, notamment le chancelier de l'Échiquier, Gordon Brown, qui se pose en « chancelier de fer », peu dépensier, quitte à relancer fortement la dépense publique à l'approche des échéances électorales de 2001. L'opinion est également reconnaissante à Blair de la façon dont il gère la crise de confiance envers la monarchie, lors de la mort brutale de Diana (31 août 1997). Aussi la popularité du Premier ministre va-t-elle se maintenir de nombreux mois, beaucoup plus qu'il n'est habituel, puisque seule la guerre d'Irak (en 2003) mettra fin à cette longue faveur.
Il est vrai qu'il met en œuvre sur le champ une bonne partie de son programme : 26 projets sont annoncés dans le discours du trône du 14 mai, dont le New Deal concernant les chômeurs de longue durée, lancé dès juin 1998, qui accorde une subvention de 75 livres (environ 150 euros) par semaine et par emploi aux employeurs qui y souscrivent et, dès la fin de l'année, concernera plus de 100 000 chômeurs. En même temps, la législation promise sur le salaire minimum est votée rapidement ; mais, elle n'entrera en vigueur qu'en avril 1999 et à un tarif si bas qu'il fera grogner bien des syndicalistes ; il a été fortement revalorisé depuis lors. Cette prudence montre que le blairisme se révèle plus sensible aux craintes des milieux d'affaires, qui redoutaient une disparition massive d'emplois peu qualifiés, qu'aux aspirations égalitaristes, voire ouvriéristes, du vieux Labour, ce qui, à l'occasion des réformes les plus significatives du Welfare State, a entraîné des rébellions parlementaires importantes de la gauche travailliste. Spectaculaires, celles-ci ont toutefois été insuffisantes pour mettre en danger la législation gouvernementale, ou plus tard, pour empêcher l'entrée en guerre des Britanniques contre l'Irak au côté des États-Unis.
Contrairement aux chefs de gouvernement du passé, John Major excepté, Tony Blair a consacré beaucoup de son temps à l'Irlande du Nord, finissant par obtenir un accord de paix (l'accord du vendredi saint), le 10 avril 1998, non sans l'appui du président américain Bill Clinton. D'autres réformes constitutionnelles promises ont été mises en œuvre ; le Parlement écossais et l'assemblée régionale galloise, élus pour la première fois en 1999, ont transformé les relations de ces petites nations avec l'Angleterre ; importante également est la réforme des institutions londoniennes avec l'élection directe, en mai 2000, d'un maire et d'une assemblée pour le Grand Londres. À noter deux autres réformes de nature constitutionnelle : l'incorporation de la Convention européenne des droits de l'homme dans le droit britannique et une loi élargissant la liberté de l'information. Toutefois, la refonte promise de la Chambre des lords, une fois décidée l'abolition de la pairie héréditaire en 1999, est restée au milieu du gué, faute d'une réelle volonté gouvernementale de la transformer radicalement en une deuxième chambre élue.
Malgré certaines erreurs de jugement politique, malgré le désastre financier du Dôme du Millénaire, malgré l'état des chemins de fer à l'origine de plusieurs catastrophes ferroviaires – mais dont l'opinion attribue, non sans raison, la responsabilité majeure à la privatisation bâclée opérée par le gouvernement Major –, malgré l'indécision sur l'Union économique et monétaire, qui a encouragé la montée de l'euroscepticisme dans l'électorat,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jacques LERUEZ : directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., chercheur associé au Centre d'études et de recherches internationales
Classification
Média
Autres références
-
BROWN GORDON (1951- )
- Écrit par Bertrand LEMONNIER
- 1 256 mots
Né le 20 février 1951 à Glasgow, James Gordon Brown a été le Premier ministre du Royaume-Uni du 28 juin 2007 au 11 mai 2010. Il a succédé à Tony Blair, dont il fut l'inamovible chancelier de l'Échiquier. Cette fonction a couronné une brillante carrière au sein du Parti travailliste, en...
-
ÉCONOMIE MONDIALE - 1997 : la crise asiatique
- Écrit par Tristan DOELNITZ
- 7 786 mots
...environ deux ans par les économistes – sur le chemin de la convergence, ce qui ne pouvait manquer de peser sur son attitude à l'égard de l'Union monétaire. Le retour au pouvoir, au début de mai, d'un Parti travailliste rajeuni sous l'impulsion de son chef, Tony Blair allait débloquer la situation... -
GAUCHE SOCIALISTE EN FRANCE DEPUIS 1945
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Rémi LEFEBVRE
- 10 206 mots
- 9 médias
...relève la politique du gouvernement : « La politique de l’offre n’est ni de droite ni de gauche, elle est nécessaire. » Phrase qui rappelle les propos de Tony Blair devant les députés français, en 1998 : « La gestion de l’économie n’est ni de gauche ni de droite : elle est bonne ou mauvaise. » Soi-disant... -
GIDDENS ANTHONY (1938- )
- Écrit par Antonin COHEN
- 886 mots
...l'un des principaux théoriciens de la « troisième voie » (entre néo-libéralisme et social-démocratie) qui a fait le succès idéologique et électoral de Tony Blair en Grande-Bretagne. En cherchant à définir une position politique de « centre radical » qui se situerait entre une droite néo-libérale « devenue... - Afficher les 14 références