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GARNIER TONY (1869-1948)

Bien plus célèbre pour son projet de cité industrielle que pour ses quelques réalisations, Tony Garnier est un extraordinaire précurseur ; il est le premier grand urbaniste moderne. Ses propositions seront reprises, analysées, critiquées par tous les architectes des années vingt.

Né dans un quartier populaire de Lyon, Garnier fait ses études dans sa ville natale dont l'atmosphère intellectuelle contribua pour beaucoup à sa formation (socialisme et préoccupations urbanistiques). Lyon est en effet l'une des premières villes à avoir voulu planifier la construction ; dès avant la municipalité d'Édouard Herriot avec lequel Garnier collaborera étroitement, l'accent avait été mis sur les problèmes de l'habitation ouvrière, les conditions d'hygiène, la construction des groupes scolaires et leur implantation dans chaque quartier. En décembre 1889, Garnier est admis à l'École des beaux-arts à Paris dont l'atmosphère est réactionnaire ; cependant, de l'enseignement de Paul Blondel (dont Perret est aussi l'élève) et de Guadet, il tire certaines conclusions qui feront la force de ses futurs projets : le principe, notamment, d'« élasticité » d'un plan qui permet de changer certains détails (et prévoit l'accroissement d'une partie) sans modifier la composition d'ensemble. Dès 1894, Garnier se présente au concours du prix de Rome : il n'en recevra le premier grand prix qu'en 1899 pour sa sixième tentative, pensant naïvement : « Pour pouvoir dire quelque chose, il me fallait d'abord être prix de Rome. »

À la villa Médicis, Garnier ne remplit pas ses obligations (il s'agissait de reconstitutions archéologiques de bâtiments anciens), bâcle le travail requis par l'Académie et envoie dès 1901 comme supplément « deux feuilles représentant en plan et en vue générale une cité qui ne correspond en rien à ses obligations de pensionnaire ». Les plans ne sont pas montrés à Paris, car ils sont « trop » modernes, et Garnier, déçu, continue de travailler à sa Cité sans tenir compte du jugement officiel. Comme il lui faut cependant un projet d'école, il entreprend la reconstitution d'une ville antique, Tusculum, qui dénote la cohérence de ses préoccupations. Les planches en couleurs de Tusculum plairont aux académiciens qui reprocheront cependant à Garnier une imagination excessive et la négligence des détails ; en 1904, ils accepteront enfin d'exposer son envoi « complémentaire », l'extraordinaire projet de sa Cité. Cette Cité industrielle (« car c'est à des raisons industrielles que la plupart des villes neuves que l'on fondera désormais vaudront leur formation ») est prévue pour 35 000 habitants : « En donnant à notre ville une importance moyenne [...] nous avions toujours le même but de nous attacher à des recherches d'ordre général, que n'aurait pu motiver l'étude d'un village ou celle d'une très grande ville. » Garnier place cette « imagination sans réalité » dans le sud-est de la France, dont les agglomérations « ont des besoins analogues » à sa Cité : il n'est donc pas un utopiste et inscrit sa ville « idéale » dans un site (le plan intègre une vieille ville) de manière très réaliste. Cependant, Garnier anticipe sur la législation et le type de société : il suppose acquis « certains progrès d'ordre social » et surtout « admet [que] la société a désormais la libre disposition du sol ». Lorsque l'on sait que la propriété privée du sol a été, est encore et sera, jusqu'à une transformation fondamentale du mode de production contemporain, l'obstacle à un urbanisme rationnel, on mesure la modernité que constitue la compréhension de cette condition nécessaire. La ville est articulée en zones disséminées, relativement autonomes (tout comme la ville elle-même est relativement autonome : l'industrie métallurgique la fait vivre, un barrage lui procure son énergie, des fermes modernes la nourrissent), liées entre[...]

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  • : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard

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