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GATLIF TONY (1948- )

Gitan né à Alger en 1948 dans une famille sédentarisée, Tony Gatlif nourrira le meilleur de son cinéma de la défense fière et passionnée de cette double ascendance. D'abord comédien au théâtre et à la télévision, cinéphile, il consacre CantaGitano (1981), son premier court-métrage, à la culture tsigane et gitane, notamment à sa musique. De fait tous ses films bénéficient de partitions du monde entier mêlées à ses superbes compositions personnelles. Après un premier long-métrage qui raconte la peur et la dure existence de quatre femmes isolées avec leur mère folle dans une ferme pendant la guerre d'Algérie (La Terre au ventre, 1978), Les Princes (1982) le révèlent aux cinéphiles : chronique de trois générations de gitans vivant dans une HLM de la région parisienne, le film montre bien tout ce qui lie et ce qui oppose grand-mère, fils et petite-fille réagissant de façons différentes à leur condition d'émigrés de l'intérieur. Ce sont des films sans concession, Les Princes revendiquant une appartenance à une identité pure et irréductible.

On pouvait craindre qu'une fois introduit dans le microcosme du cinéma national, Tony Gatlif ne se perde dans un style et dans des sujets conventionnels. De fait, Rue du départ (1986, polar situé chez des marginaux marqués par la malchance), Pleure pas my love (1988, qui relate les relations tumultueuses de deux amants pendant le tournage d'un film) et Gaspard et Robinson (1990) se révèlent de moins en moins intéressants. Adapté d'une nouvelle de J.-M. G. Le Clézio, Mondo (1995) est en revanche plus réussi, en s'attachant à un petit enfant venu de nulle part et survivant à Nice aidé par des émigrés pauvres de toutes provenances ainsi que par des gens modestes et chaleureux, à rebours de l'image convenue de la Côte d'Azur.

Mais Tony Gatlif n'est jamais aussi bon que lorsqu'il mêle marginalité, errance, ethnies et musiques. LatchoDrom (1992) est un riche documentaire sur l'unité du peuple tsigane de l'Inde à l'Espagne en passant par l'Égypte et la France, saisie à travers les traditions musicales. Gadjo Dilo (L'Étranger fou, 1998) remporte un franc succès public grâce au couple sympathique (interprété par Romain Duris et Rona Hartner) lancé sur des rythmes magnifiques le long des routes roumaines. Avec beaucoup de poésie, une appétence au bonheur et à la beauté, qui n'occulte pourtant pas la cruauté du final, Gatlif signe un film généreux à l'humanisme revigorant. Si le ton demeure un peu le même (ainsi que le tandem d'acteurs), le road movie à travers la France de Je suis né d'une cigogne (1999) n'est qu'une bluette gentiment antiraciste et libertaire, tandis que Vengo (2000) rassemble, sur un scénario de vendetta, quelques-uns des plus célèbres interprètes de flamenco. Swing (2002) revient à la douloureuse constatation de l'étouffement d'une culture et de la disparition d'un peuple à travers la rencontre musicale de jeunes générations prises dans un processus inexorable de sédentarisation.

Gatlif excelle à arrimer ses personnages en duos improbables emportés par l'amour. Exils (2004) reprend la recette de Gadjo Dilo (avec à nouveau Romain Duris), son couple formé d'un enfant de pieds-noirs et d'une beurette de la troisième génération retournant à leurs lointaines racines algériennes à travers Espagne et Maroc en mêlant sons gitans, arabes et flamenco. Le choc de l'arrivée en Algérie sera rude : femmes voilées et muettes, pas d'automobiles et les ruines d'un tremblement de terre. Mais à l'intérieur des maisons la chaleur revient et la danse de possession finale réinsuffle l'énergie vitale et l'espoir. Transylvania(2006) reprend exactement le même schéma. Mais cette fois, le pittoresque touristique roumain (carnaval,[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

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