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HILLERMAN TONY (1925-2008)

Décédé à Albuquerque (Nouveau-Mexique), le 26 octobre 2008, à l'âge de quatre-vingt-trois ans, Tony Hillerman figure parmi les grands romanciers du sud-ouest des États-Unis. Traduit dans une douzaine de langues, il laisse une œuvre unique composée de romans policiers qui explorent les mœurs et coutumes des tribus indiennes hopis et navajos.

Né le 27 mai 1925 dans l'Oklahoma, à Sacred Heart, Tony Hillerman est issu d'une modeste famille de fermiers blancs. Très jeune, il côtoie à l'école des enfants d'origine séminole et potawatomi. En 1943, à l'âge de dix-huit ans, il s'engage dans l'infanterie. Grièvement blessé par l'explosion d'une mine lors des combats en France, il en garde toute la vie les séquelles : « un œil presque borgne, une cheville et deux genoux ruinés par la guerre » et reçoit de prestigieuses décorations : la Silver Star et la Purple Heart. Dans son autobiographie, Rares furent les déceptions (Seldom Disappointed, 2001), il consacre plusieurs chapitres à cette guerre. Après sa démobilisation, en 1945, il entame des études de journalisme à l'université d'Oklahoma et, dès 1948, devient reporter politique. La même année, il rencontre Marie Unzner qu'il épouse pour soixante ans de bonheur et avec laquelle il aura six enfants (dont cinq, d'origine hispanique, sont adoptés). Jusqu'en 1962, il travaille dans la presse, au Santa Fe New Mexican tout en donnant des cours de journalisme à l'université de New Mexico.

Tony Hillerman est un fervent lecteur de l'écrivain australien Arthur Upfield, père du roman policier ethnologique et créateur en 1928 du personnage de Napoléon Bonaparte, inspecteur métis né d'une mère aborigène et d'un père blanc. Influencé par cet exemple, Hillerman débute avec La Voie de l'ennemi (The Blessing Way, 1970) qu'il met trois ans à écrire et où, pour la première fois, intervient un lieutenant de la police tribale navajo, Joe Leaphorn. Son agent littéraire lui demande de retirer du manuscrit « tous ces trucs d'Indiens ». Il s'y refuse et heureusement, un autre agent, plus avisé, le conseille et le soutient. Après La Mouche sur le mur (The Fly on the Wall, 1971), un thriller politique dans lequel un journaliste met à jour une affaire de corruption, Hillerman renoue avec son projet initial : utiliser des enquêtes policières pour faire découvrir à ses lecteurs les décors étonnants de la Grande Réserve et la société navajo qui l'habite, avec sa religion, sa mythologie, ses coutumes. C'est toujours à partir de la connaissance de cette culture que l'intrigue sera résolue. De La Voie de l'ennemi à Le Chagrin entre les fils (The Shape Shifter, 2006) le cycle comprend dix-huit romans dont les personnages principaux sont Joe Leaphorn et Jim Chee, tous deux membres de la police tribale navajo qui administre ce territoire. Joe, diplômé de l'université, la cinquantaine, incarne le Navajo d'expérience, forcé toutefois d'assimiler la culture dominante du Blanc. Plus jeune, Jim, qui aspire à devenir chamane, se trouve écartelé entre les deux cultures. Si chacun d'eux conduit plusieurs enquêtes séparément (pour Joe : Là où dansent les morts, 1973 ; Femme qui écoute, 1976 ; pour Jim : Le Peuple des ténèbres, 1980 ; Le Vent sombre, 1982), les ouvrages dans lesquels Hillerman réunit ses deux héros (Porteurs-de-peau, 1986 ; Le Voleur de temps, 1988 ; Dieu-qui-parle, 1989) ne manquent pas de charme.

Plusieurs de ces romans ont été primés et certains sont étudiés dans les écoles navajos ainsi que dans celles d'autres tribus. Le Conseil tribal navajo offrit à Hillerman une plaque sur laquelle figurait l'expression « grand ami du peuple ». C'est le trophée dont cet humaniste était le plus fier.

— Claude MESPLÈDE

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