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TOPONYMIE

Stratigraphie de la toponymie française

Les xixe et xxe siècles ne produisent que peu de nouveaux toponymes ; les noms des communes sont officialisés (seule la période révolutionnaire a été l'occasion de multiples changements, éphémères pour la plupart) ; les noms de lieux-dits sont en régression. Ce n'est guère que dans les noms de rues, dans ceux des domaines et des villas qu'il est possible, et souvent regrettable, de laisser libre cours aux fantaisies créatrices. Un problème tout récent est celui des fusions de communes, qui donnent lieu parfois à des solutions toponymiques arbitraires.

Beaucoup des formations toponymiques de l'époque « romane » (xie-xvie s.) sont encore intelligibles, mais il faut très souvent recourir aux vocabulaires dialectaux pour en percevoir le sens. Localement, elles avaient une signification claire et valeur d'appellatifs, c'est pourquoi nombre d'entre elles sont précédées de l'article. Elles sont infiniment variées et s'attachent à décrire : le relief (Le Puy) ; l'eau, courante ou stagnante (Noirpalu), fontaines et sources (Bonnefont) ; le sol, terres pierreuses (La Gravelle), argileuses (Marnières), sableuses (Airaines) ; la végétation, arbres (Le Saussoy, Le Teil) et forêts (Pleine-Selve), landes et friches (L'Herm) ; la faune (Tesnière), l'élevage (Vacheresse) ; les défrichements (Essarts, Noailles, Usclades, Tronches) et les cultures (Chennevières ou Cannebières, Panissières, Ségalas), les prés et pâtures ; les constructions (Mesnil, Chazelles, formations du type Chez-X), établissements religieux (Grisolles, Moustiers), fortifiés (Rochefort) ; les voies de communication, carrefours (Carrouges), péages, gués, etc. Enfin, de nombreuses localités sont désignées d'un nom de saint (Saint-Chély, Dommartin), souvent d'après la titulature de l'église paroissiale.

À la suite des grandes invasions des ve et vie siècles, la toponymie a été marquée d'un apport germanique dans ses éléments constitutifs : mots du vocabulaire géographique (Bures), mais surtout formations à partir d'anthroponymes germaniques, soit par dérivation avec le suffixe d'appartenance -ing, soit en composition avec des mots d'origine latine (court, ville, villiers). Un deuxième apport germanique a eu lieu aux ixe et xe siècles en Normandie, où la toponymie présente des traits caractéristiques (-tot, -fleur, etc.).

En ce qui concerne l'époque gallo-romaine, il n'est pas toujours possible de déterminer si les noms d'origine latine remontent aux premiers siècles de la romanisation ou si ce sont des créations tardives. En revanche, la présence, dans les formes anciennes, du suffixe d'appartenance -acum, d'origine gauloise, est un bon indice ; mais là, la difficulté réside dans l'interprétation du premier élément : nom de possesseur ? nom descriptif ? Un autre suffixe, -anum, d'origine latine, a servi à former de nombreux noms de lieux dans les pays romanisés tôt : Provence, Languedoc, Corse. D'autres noms sont des formations purement latine (Forum Julii, qui est devenu Fréjus) ou hybrides (Augustodunum, où dunum est un mot celtique, qui est devenu Autun).

Du vocabulaire gaulois seuls quelques mots nous sont parvenus par les inscriptions et les gloses. Mais il est des régions, comme la Corse, la Sardaigne et la Sicile, où les Gaulois n'ont jamais pénétré, et, par confrontation avec les dialectes de ces régions et avec les langues celtiques modernes (breton), il est possible d'établir des distinctions entre mots celtiques et mots préceltiques. Sont sûrement celtiques des termes comme nant-« vallée » (Nantes), condate « confluent » (Condé), magos « marché » (Ratumagos, qui est devenu Rouen), etc.

Certains toponymes, noms de montagnes et de cours d'eau surtout, ne s'expliquent ni par le[...]

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Écrit par

  • : archiviste-paléographe, conservateur aux Archives nationales

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