- 1. Utilité politique du mythe romain
- 2. Le roman toscan : unité artistique de « pays » rivaux ?
- 3. Une « renaissance » avant la Renaissance ?
- 4. Artistes voyageurs
- 5. La Florence de Laurent le Magnifique
- 6. Comment la patrie de Michel-Ange devint le « salon de l'Europe »
- 7. « Retour à Florence » : collectionneurs et voyageurs passionnés
- 8. Florence, la ville contemporaine
- 9. Bibliographie
TOSCANE
Il est admis, depuis Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde, que « la nature imite l'art ». Pourtant, le touriste qui s'extasie devant le paysage des collines toscanes, plantées de cyprès et de myrtes, parce qu'il lui rappelle l'arrière-plan des portraits florentins du xve siècle, pense-t-il que ces arbres, ces bosquets ont été savamment cultivés par des générations d'amateurs, le plus souvent anglo-saxons, soucieux de faire ressembler leurs domaines aux peintures de leurs collections ? Voir aujourd'hui la Toscane, c'est accepter d'avoir devant les yeux un « écran » : le pays est indissociable du regard esthétique porté sur lui depuis des siècles.
Écran que l'on retrouve quand on veut tenter de comprendre ce qui explique ce paysage d'histoire et de culture. Comment ne pas le voir à travers l'art ? Les fresques d'Ambrogio Lorenzetti qui évoquent Sienne plus qu'elles ne la représentent fixent l'image que l'on se fait de cette ville au sommet de sa gloire, dans la première moitié du xive siècle. L'imagination romantique s'est emparée de la silhouette du Palazzo Vecchio à l'ombre de laquelle se joue le Lorenzaccio d'Alfred de Musset. La silhouette du Dôme, peinte par Camille Corot, symbolise définitivement l'image de Florence.
Charles-Marie de La Roncière a montré (cf. article république de florence) comment l'accession au pouvoir des Médicis avait été progressive et mouvementée – parallèle à l'édification d'un État, avec Florence pour capitale. Double mouvement que les historiens de la dynastie ont voulu présenter comme inéluctable. De même, dans le domaine artistique, Giorgio Vasari, source fondamentale pour étudier les artistes toscans de Cimabue à Michel-Ange, a laissé le récit de la prééminence de Florence sur les foyers artistiques rivaux, Sienne en particulier. Il sera bien sûr impossible de faire ici toute leur place à cette multitude de centres que la gloire de Florence relègue dans l'ombre : Pienza par exemple, conçue, à partir de 1459, comme la cité idéale de la Renaissance par Bernardo Rossellino pour l'humaniste siennois Aeneas Sylvius Piccolomini, devenu pape sous le nom de Pie II, abandonnée à sa mort, aujourd'hui petite ville oubliée.
Plus tard, c'est le mythe d'une Florence figée à la Renaissance qui a tendu à éclipser d'un côté la « protorenaissance », de l'autre les chefs-d'œuvre du maniérisme. L'art en Toscane ne se limite pas à la Renaissance florentine, et l'histoire de celle-ci, inversement, ne saurait se concevoir sans l'existence de ses rivales, de son passé et d'une postérité qui ne se résume pas à une décadence.
À Florence, les murs du Baptistère font alterner le marbre blanc de Carrare, le marbre vert de Prato, le marbre rouge de la Maremme : polychromie qui rend visible la mosaïque des « pays » toscans, qui, au-delà des rivalités de campaniles, peuvent s'unir pour colorer ainsi la façade d'un même édifice. Indissociables aujourd'hui des grands noms de la Renaissance – de Giotto à Masaccio, Léonard de Vinci ou Michel-Ange –, Florence et la Toscane composent ce pays du « musée réel » salué par André Chastel.
Utilité politique du mythe romain
La Toscane est romaine. Les historiens de Florence n'eurent de cesse d'affirmer que, par son origine, leur ville était digne de rivaliser avec la Ville, le lys rouge avec la louve : Florence, pour Dante (1265-1321), est en effet bâtie à l'image de Rome, ad imaginemsuamatquesimilitudinem, mythe fondateur aux implications politiques. Sur les murs du Dôme de Pise, élevé en 1063, maintes pierres réemployées sont censées attester non seulement que le christianisme s'édifie avec les ruines du paganisme, mais que la première cité maritime[...]
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Écrit par
- Adrien GOETZ : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Michel ROUX : professeur émérite
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