- 1. Utilité politique du mythe romain
- 2. Le roman toscan : unité artistique de « pays » rivaux ?
- 3. Une « renaissance » avant la Renaissance ?
- 4. Artistes voyageurs
- 5. La Florence de Laurent le Magnifique
- 6. Comment la patrie de Michel-Ange devint le « salon de l'Europe »
- 7. « Retour à Florence » : collectionneurs et voyageurs passionnés
- 8. Florence, la ville contemporaine
- 9. Bibliographie
TOSCANE
« Retour à Florence » : collectionneurs et voyageurs passionnés
C'est ainsi qu'Elisa Bonaparte, placée par son frère sur le trône de Lucques, tente une politique d'encouragement des arts. Devenir un musée n'était pas un risque pour la Toscane : on s'y était toujours mesuré à l'aune des chefs-d'œuvre du passé. La Loggia dei Lanzi (de Benci di Cione et Simone Talenti à la fin du xive siècle), sur la place de la Seigneurie de Florence, premier musée de sculpture en plein air, permettait la confrontation, à quelques mètres du David de Michel-Ange, du Persée de Benvenuto Cellini, avec la Judith de Donatello ou, plus tard, l'Enlèvement des Sabines de Jean Bologne. Les inclusions d'œuvres d'art les unes dans les autres ne surprenaient pas : à San Miniato, église romane, prier dans la chapelle du cardinal de Portugal, c'était s'agenouiller dans un cadre dessiné par un élève de Brunelleschi, Antonio Manetti, sous une voûte ornée de médaillons de Luca della Robbia, avec, sur les murs, des peintures d'Alessio Baldovinetti (1425-1499) face au gisant du cardinal, œuvre d'Antonio Rossellino (1461). Ce n'est pas un hasard si cette chapelle fut tant appréciée des guides de voyages de la fin du xixe siècle. La Toscane, reliquaire débordant de reliques, semblait elle-même une œuvre d'art faite pour enchâsser des pièces de musée.
D'où la volonté d'achever l'histoire sous prétexte de la retrouver : destruction du vieux centre florentin pour créer un « forum » en 1887, ultime avatar du mythe romain, de fondateur devenu ainsi destructeur, pastiches de façades gothiques plaquées sur Santa Croce, panthéon national toscan, ou sur le Dôme. À Saint-Laurent, par respect pour les croquis de Michel-Ange qui auraient pu guider les recréateurs, on laissa la façade de pierres brutes. Seule réaction face à l'académisme triomphant, le mouvement des Macchiaioli – de macchia, tache – qui allie, dans les années 1860, influence des peintres français de l'école de Barbizon et sensibilité aux paysages de la Maremme. Ils découvrent, en Toscane, une source d'inspiration artistique inexplorée : la mer.
Paradoxalement, la muséographie, pratiquée par le Risorgimento à l'échelle de travaux d'urbanisme, s'accompagne d'une dispersion des œuvres : combien de collections anglaises s'enrichissent alors d'un « primitif » mal attribué, d'un plat de majolique ou d'une terre cuite vernissée donnée à un membre de la dynastie Della Robbia ? Voir aujourd'hui le « retable de l'Eucharistie » de Sassetta nécessite de faire le tour du monde pour retrouver les panneaux où le maître de Sienne a peint la campagne toscane : Budapest, Barnard Castle, Melbourne, le Vatican... Le « triptyque de San Romano », peint par Uccello pour la chambre du Magnifique, est dispersé entre la National Gallery de Londres, le Louvre et les Offices. La Toscane de la fin du xixe siècle, musée qui se vide de ses merveilles au gré des fluctuations du goût – d'abord les giottesques, puis les Botticelli –, retient donc les voyageurs empreints de « piété » ruskinienne. S'y établissent quelques collectionneurs qui laissent musées ou fondations : Bardini, Horne, Stibbert, Berenson enfin qui, dans sa villa I Tatti, posa au patriarche de l'esthétisme jusqu'à sa mort en 1959.
À l'image du héros de la nouvelle d'Henry James qui, de retour à Florence, retrouve son passé, l'artiste en Toscane est-il condamné à la nostalgie : à la citation ou au pastiche ? La gare construite par le Toscan Giovanni Michelucci (1935), réussite visuelle, s'intègre à son environnement et évite le passéisme. Parallèlement, les monuments restent menacés : les bombardements de la dernière guerre mutilèrent au Campo Santo[...]
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Écrit par
- Adrien GOETZ : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Michel ROUX : professeur émérite
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Médias
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