TOTEM ET TOTÉMISME
Totémisme et sacrifice. Le même et l'autre
Bien des auteurs ont rapproché les faits de sacrifice et les faits réputés totémiques, voyant dans ces derniers l'origine du sacrifice. Pourtant, aussi bien Marcel Mauss que Lévi-Strauss ont affirmé qu'il s'agissait de deux institutions « contrastées ». Le totémisme repose sur l'homologie entre la série animale et celle des groupes sociaux, autrement dit : deux systèmes de différences. Le sacrifice, au contraire, postule une gradation continue dans la série animale, orientée du plus petit au plus important et portant identifications successives entre le sacrifiant, la victime et le dieu. Lévi-Strauss s'exprime ainsi : « Le sacrifice recourt à la comparaison comme moyen d'effacer les différences, et d'établir la contiguïté ; les repas dits totémiques instaurent la contiguïté, mais seulement en vue de permettre une comparaison, dont le résultat est de confirmer les différences. Les deux systèmes s'opposent donc par leur orientation, métonymique dans un cas, métaphorique dans l'autre. » Le totémisme reposant sur une homologie de structure entre la série des espèces naturelles et celle des groupes sociaux, il est « vrai ». Le système du sacrifice, à l'opposé, est « faux », car « il fait intervenir un terme non existant : la divinité ». Les classifications sont des codes pour exprimer des sens, le sacrifice est « un discours particulier dénué de bon sens ». Oui, sans aucun doute, mais on ne peut évacuer le système du sacrifice aussi aisément de la condition humaine, comme du discours anthropologique. Force est de constater l'universalité des systèmes sacrificiels.
Au regard du problème de l'identité qui reste au centre de toute tentative de classification, on peut suggérer que le système du sacrifice suppose un monde fermé où seul existe le « même ». L'« autre » ne semble pas avoir de titre à l'existence, ramené qu'il est toujours au même. À l'opposé, la classification totémique, dans la mesure où elle est métaphorique et non métonymique, accorde pleine reconnaissance de l'autre. Le système du sacrifice est reconduit par le sentiment de la faute, l'espoir de purification et d'expiation, par l'exercice de la transgression et du meurtre en hommage à la loi. Faute d'une reconnaissance de l'autre en dehors de toute discrimination, l'ordre de la classification se réduit au même, c'est le règne de l'ambivalence, de la violence suicidaire et raciste, de l'infantilisme politique et religieux.
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Écrit par
- Daniel de COPPET : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
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