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TOUAREG

La question touarègue et l’après-Kadhafi

Mais cet intérêt des grandes puissances n’empêche pas le Sahara de s’embraser après la chute du régime du colonel Kadhafi à l’automne de 2011. Confronté, comme d’autres États arabes (Tunisie, Égypte, Maroc, Bahreïn, etc.), à une vague de contestation démocratique à partir de février 2011, le régime libyen doit, en outre, faire face à une intervention militaire internationale menée sous l’égide de l’O.N.U. mais conduite par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis. À l’issue de celle-ci, le dirigeant libyen est tué, mais sa fin déstabilise en profondeur l’équilibre régional précaire dont il était le garant. En effet, désormais laissés à eux-mêmes, les combattants touaregs qu’il avait mis au service de son pouvoir autoritaire refluent vers le nord du Mali, région appelée l’Azawad et considérée comme le berceau des Touaregs, où ils effectuent leur jonction avec des membres d’Al-Qaida au Maghreb islamique et d’autres groupes djihadistes qui y sont déjà implantés. Profitant de la déliquescence de l’État malien et de l’impuissance de son armée, cette coalition conquiert la région avant que le Mouvement national de libération de l’Azawad (M.N.L.A.) n’en proclame l’indépendance, le 6 avril 2012.

Mais, devant le risque d’une extension du conflit au sud du Mali, voire de la prise de la capitale, Bamako, par les djihadistes, la France décide, le 11 janvier 2013, de lancer, avec l’aval du Conseil de sécurité de l’O.N.U., l’opération Serval en appui à l’État malien. Rapidement, les régions contrôlées par les djihadistes sont reprises, cependant que le M.N.L.A., jusque-là leur allié, se retourne contre eux.

Cet épisode souligne cruellement la fragilité de la géopolitique régionale et la permanence des déséquilibres qui en sont à l’origine. Si elle a contribué à restaurer l’autorité, même incomplète, de l’État malien sur l’ensemble de son territoire, l’intervention française n’a pas résolu la « question touarègue » qui est du ressort des autorités maliennes. C’est à elles qu’il appartient désormais de faire ce qui n’a pas été accompli en plus d’un demi-siècle d’indépendance, à savoir arrimer réellement le nord du Mali au reste du pays, via une politique de pacification et de développement de nature à faire justice aux revendications des populations nordistes – qui ne sont pas composées uniquement de Touaregs – et à réduire leurs velléités séparatistes.

Par ailleurs, il faut considérer les retombées, en termes sécuritaires, de la crise malienne sur les pays voisins, et notamment le Niger, qui abrite la plus importante population touarègue de la région. Celles-ci y sont du reste déjà perceptibles, le Niger ayant eu à faire face à plusieurs attentats terroristes peu après la fin des combats décisifs au nord du Mali en mars 2013. Mais en dépit de ces menaces, le Niger, contrairement à ce qu’il en était dans les années 1990-2000, semble mieux armé que le Mali pour affronter cette situation. D’une part, parce que la politique de réinsertion économique et sociale des anciens combattants touaregs a donné de bons résultats. D’autre part, parce que la décentralisation a permis à d’anciens leaders rebelles d’exercer des mandats d’élus locaux. Enfin, parce que le principe de rétrocession aux populations locales concernées d’une partie des recettes tirées de l’uranium et du pétrole est effectivement mis en œuvre. L’État nigérien a pu ainsi empêcher une articulation entre Touaregs et djihadistes. C’est dire si une politique de stabilisation du Sahara ne pourra se faire que dans le cadre d’une concertation régionale, associant la puissance tutélaire qu’est l’Algérie, et combinant étroitement approche sécuritaire et lutte contre le sous-développement.

— René OTAYEK

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., à Sciences Po Bordeaux

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Touareg, désert du Mali

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