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ÉCROUELLES TOUCHER DES

La tradition du toucher des malades scrofuleux remonte, selon Marc Bloch (Les Rois thaumaturges), à Robert le Pieux pour la France et à Henri Ier pour l'Angleterre. Son adoption plus tardive dans ce dernier pays semble prouver que le roi anglais, conscient du surcroît de prestige apporté par le rite guérisseur, aurait imité son voisin, tout en prétendant s'appuyer sur l'exemple de son saint prédécesseur, Édouard le Confesseur. Quoi qu'il en soit, les rois de France et d'Angleterre furent à peu près les seuls souverains européens à pratiquer le toucher du « mal royal », et cela malgré l'essai infructueux d'autres monarchies pour s'imposer comme thaumaturges. Le cérémonial français se déroulait à des intervalles plus ou moins réguliers ; à partir du xvie siècle, il avait lieu généralement aux grandes fêtes religieuses et attirait parfois jusqu'à deux mille malades, dont certains venaient d'au-delà des frontières. Après avoir communié sous les deux espèces, le roi touchait chaque malade à l'endroit des plaies en traçant un signe de croix et prononçait la formule rituelle : « Le roi te touche, Dieu te guérit » ; puis avait lieu une distribution d'aumônes.

La croyance en un pouvoir guérisseur des rois est liée à la représentation que les peuples se faisaient de la royauté. Elle prend sa source dans la vieille mentalité germanique, attribuant à certaines familles, nées pour régner, une vertu sacrée, un pouvoir quasi divin ; à cette croyance qui avait poussé la dynastie normande à se rattacher aux rois saxons et les Capétiens à se réclamer d'une filiation carolingienne était venu s'ajouter le cérémonial du sacre, véritable sacrement pour les théoriciens du pouvoir royal, qui faisait du nouveau souverain l'égal des évêques.

La légende de l'origine miraculeuse du saint chrême, celle non moins merveilleuse de l'apparition des fleurs de lys et tant d'autres, fruits de l'imagination populaire ou de celle des propagandistes de la monarchie, renforcèrent la croyance dans le caractère surnaturel des rois. La réaction grégorienne du xie siècle s'efforça de combattre un certain nombre de croyances, mais, tout occupée de ses luttes avec l'Empire, négligea les royautés française et anglaise où le mythe des souverains guérisseurs put se développer librement.

En France, le toucher des écrouelles, interrompu par la Révolution française, fut repris une dernière fois lors du sacre de Charles X. Depuis la Réforme, toutefois, le nombre des sceptiques n'avait cessé de croître. En Angleterre, le rite résista, avec quelques interruptions, à tous les bouleversements politiques et religieux, mais disparut définitivement, dès le début du xviiie siècle, avec la reine Anne.

— Solange MARIN

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