TOUNGOUSES ou TOUNGOUZES
Groupe de peuples, de type mongoloïde, les Toungouses, ou Toungouzes (Tungus) occupaient au xviie siècle la plus grande partie de la Sibérie orientale, de l'Extrême-Orient russe et de la Mandchourie.
En Russie, les Toungouses sont éparpillés sur un territoire allant de l'Ienisseï au début à la mer d'Okhotsk et au détroit de Béring, en groupuscules ayant chacun leurs caractéristiques propres et des dénominations multiples. Le groupe linguistique toungouse comptait, lors du recensement de 2002, environ 70 000 personnes, dont 345 000 Evenk (Krasnoïarsk, Iakoutie), 19 000 Evenou Lamoute (Kamtchatka), 12 000 Nanaïou (vallée de l'Amour).
L'histoire des Toungouses est mal connue car, isolés des grandes civilisations et démunis d'écriture, ils n'ont de leur passé que la vision mythique qu'en donnent leurs contes et légendes. Leur première rencontre avec les Russes remonte, pour les plus occidentaux d'entre eux, à 1606 ou 1607. Dans le courant du xviie siècle, ils sont tous peu à peu soumis par le gouvernement tsariste au paiement du yasak, garanti par prise d'otages, ainsi qu'à une christianisation forcée qui se greffe superficiellement sur un vieux fonds de chamanisme. En 1822, le « statut de l'administration des autochtones », établi à l'instigation du gouverneur général de Sibérie, Speranski, et resté en usage jusqu'à la révolution d'Octobre, légalise l'administration de clan et accorde aux chefs de clan, élus pour trois ans, des pouvoirs de collecteurs d'impôts et de juges. Les indigènes les plus proches de la présence russe, tels les Evenk du lac Baïkal, sont gagnés à l'agriculture dès la fin du xviie siècle ; au cours du xviiie siècle, certains s'engagent dans les exploitations russes (par exemple les mines de Nerčinsk) ou sont attirés par le service militaire frontalier ; ils parlent et même lisent le russe, adoptent le costume et le mode de vie des paysans. Mais, dans l'ensemble, les Toungouses continuent à mener au xviiie et au xixe siècle, et jusque dans le premier quart du xxe siècle, une vie primitive, soumise aux dures conditions climatiques de leurs contrées et aux exactions du régime tsariste. Leur russification et leur ouverture au monde moderne ne datent que du régime soviétique. À la fin des années 1920, l'evenk, l'even et le nanai reçoivent une écriture basée sur l'alphabet latin, abandonné en 1936-1937 pour l'alphabet cyrillique. Le russe est maintenant la langue des affaires officielles, de la presse et de l'enseignement ; mais les autochtones ont conservé leurs dialectes, dont le régime soviétique s'était efforcé d'encourager le renouveau ; la littérature orale est mise par écrit ; l'art folklorique, en particulier l'art décoratif, est développé ; des littératures modernes se forment, d'inspiration mi-traditionnelle, mi-russe, avec, en particulier, l'écrivain udegei Džansi Kimonko.
Les activités dominantes traditionnelles étaient la chasse aux bêtes à fourrure, pour les besoins de l'alimentation, de l'habillement et des échanges commerciaux avec les peuples voisins, la pêche pour la nourriture, l'élevage du renne pour la nourriture et le transport, chacune de ces trois occupations étant plus ou moins développée selon les régions. Certains, comme les Evenk, vivaient l'été sous des tentes coniques couvertes de fourrures et l'hiver dans des cahutes à demi enterrées ; ils étaient équipés d'outils en os et en pierre (l'outillage en fer étant importé), de skis, de pirogues ; les éleveurs de rennes disposaient d'un harnachement propre à ces animaux et les Toungouses de l'Amour d'un harnachement pour chiens ; ils s'habillaient de caftans en peaux de bêtes retournées et brodées, d'une coupe inspirée de la robe chinoise.[...]
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Écrit par
- Françoise AUBIN : directeur de recherche au C.N.R.S. et à la Fondation nationale des sciences politiques (C.E.R.I)
Classification
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