TOURBIÈRES
Intérêt scientifique et économique
Relictes biogéographiques et palynologie
La flore des tourbières, comme la faune qui en dépend, est riche en espèces étroitement spécialisées et rares. Il ne s'agit nullement de « curiosités » pour collectionneurs, mais, dans la plupart des cas, d'incontestables fragments de végétation tardiglaciaire relictuelle : en sont témoins les Carex chordorrhiza et Betula nana du Jura (cf. supra), la ligulaire de Côte-d'Or et de Margeride, l'Eriophorum gracile de quelques tourbières du Nord et de l'Ouest, le Calliergon trifarium d'Épizy, près de Fontainebleau. Les tourbières constituent donc au sens strict des musées naturels où sont conservés des types de milieux et des espèces en voie de disparition.
La tourbe, milieu réducteur, fossilise parfaitement toutes les structures organiques qui y sont emprisonnées : pollens, spores et autres microfossiles, macrorestes animaux et végétaux, parfois cadavres entiers restés intacts, tels le Megaceros des tourbières d'Irlande ou l'« homme de Tollund »,. La couverture végétale des tourbières constitue un piège à pollen et à spores particulièrement efficace, renouvelé chaque année et régulièrement « mis en archives » par le jeu de la croissance verticale des mousses. Cette stratification régulière permet l'établissement d'une chronologie relative précise ; sa nature organique en autorise la datation absolue (14C), pour le Quaternaire récent. Ainsi, l'analyse palynologique des tourbières a apporté des données considérables sur l'histoire de la végétation et les successions climatiques au Quaternaire, notamment pour les 15 000 dernières années : les grandes coupures climatiques de l'Holocène reposent sur les résultats concordants des analyses polliniques, et leur âge absolu a été souvent précisé. Elle permet aussi de suivre l'histoire de l'activité humaine au Post-glaciaire. Sur la plupart des diagrammes, une soudaine extension des graminées et autres héliophytes, accompagnée de la régression des pollens d'arbres, traduit le début des grands défrichements néolithiques ; un mouvement inverse exprime une régression de l'action humaine. À Cessières (Aisne), les niveaux détritiques interstratifiés dans une tourbe datée ont permis de reconstituer les phases anthropiques d'érosion des sols. De même, des couches archéologiques peuvent s'intercaler dans la tourbe (restes saxons et vikings en Scandinavie).
Action actuelle de l'homme
L'exploitation actuelle des tourbières (Allemagne, Normandie, par exemple) se fait par des procédés trop souvent destructeurs (assèchement préalable, emploi de désherbants chimiques) qui provoquent un appauvrissement radical du milieu, alors que les méthodes anciennes d'extraction artisanale respectaient le milieu en le rajeunissant : nombre de fosses d'exploitation de tourbières constituent soit des étangs ou mares appréciés par touristes, chasseurs et pêcheurs, soit des stades initiaux floristiquement très riches.
Le drainage des tourbières permet, quand il est modéré (abaissement du plan d'eau de quelques décimètres), l'établissement de prairies à molinie, médiocres surtout sur sol acide, mais susceptibles d'amendement ; plus poussé, il n'améliore pas les qualités agronomiques : la rétention de l'eau par les colloïdes humiques est telle que le sol, physiologiquement sec, devient stérile, comme en témoigne le sort malheureux des tourbières de Bresles, près de Beauvais, si riches au xixe siècle.
Le drainage est trop souvent suivi par la plantation de peupliers : pour les raisons précédentes, ces opérations sont vouées à l'échec, notamment sur tourbe oligotrophe. La plantation dans une tourbière vivante, floristiquement riche, est donc une erreur écologique et économique. Elle aboutit,[...]
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Écrit par
- Marcel BOURNÉRIAS : docteur ès sciences, professeur agrégé en sciences naturelles
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