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TOURISME (anthropologie)

Perçu par les institutions internationales dans les années 1960 comme un facteur de développement puis comme une solution salvatrice pour les pays du Tiers Monde, le tourisme est longtemps resté prisonnier d’une appréhension économiste qui l’analysait uniquement en termes de flux financiers sans prendre en compte les dimensions culturelles du processus. Les géographes, en particulier ceux de l’Hexagone, ont alors su s’emparer du thème pour en faire un objet d’étude légitime. Mais l'anthropologie, et dans une moindre mesure la sociologie, ont eu du mal à se frayer une voie parallèle à la perspective développementaliste adoptée. Sur le plan international, au sein d’une série d’études de cas parues dans les années 1970 et 1980, le recueil de textes de Valene Smith (1974) donne le ton de ce que sera l’anthropologie du tourisme. Adoptant une position extrêmement critique, voire alarmiste, elle envisagera longtemps le tourisme comme un facteur de détérioration des cultures, d’imposition autoritaire d’un modèle néocolonial, de folklorisation et de marchandisation culturelle. Au cours de ces mêmes années émergent des tentatives pour établir une grille d’analyse du tourisme qui tend à être vu comme un objet autonome formant système, avec trois composantes majeures : les visiteurs, les visités et les relations qui existent entre eux. Divers essais de typologie du tourisme et des touristes verront alors le jour, mais la question des interactions, fondamentale pour l’anthropologie, restera faiblement posée tandis que s’imposera dans l’essentiel des recherches le paradigme de l’impact, considérant le tourisme comme un élément étranger imposé et déniant aux sociétés touristiques toute capacité d’initiative et d’action.

En France, où quelques anthropologues avaient timidement rejoint le laboratoire pluridisciplinaire du CNRS sur le tourisme international (URESTI), deux chercheurs ont joué dans les années 1990 un rôle essentiel dans la légitimation du tourisme comme objet anthropologique. En se concentrant sur le touriste, les travaux de Jean-Didier Urbain ont déconstruit la caricature du visiteur comme « idiot du voyage » et remis au centre de l’analyse l’acteur avec ses imaginaires, ses désirs et ses paradoxes. Michel Picard a quant à lui fourni un travail précurseur à l’encontre du paradigme de l’impact, en montrant à travers la notion de « culture touristique » l'indissociabilité de l'identité culturelle balinaise et du tourisme, les Balinais faisant de l’image de marque de leur produit touristique la marque identitaire de leurs productions culturelles. L’anthropologie française du tourisme s’est inscrite dans le sillage des écrits de ces deux chercheurs et s’est vue considérablement renforcée dans les années 2000. Sur le plan international, tandis que les anthropologues ont progressivement abandonné les tentatives de classification des touristes et du tourisme au profit des passerelles entre les catégories établies et de leurs contradictions internes, le tourisme a trouvé sa place dans les problématiques actuelles de l’anthropologie dont il recoupe quelques-unes des préoccupations contemporaines, notamment sur la question des mouvements identitaires à la fois locaux et globalisés. Si le terme d’anthropologie du tourisme est parfois considéré comme abusif en raison du manque d’éléments nécessaires à la constitution d’une sous-discipline cohérente (Leite et Graburn, 2010), la multiplication des publications mais aussi des thèses de doctorat sur le sujet montre que le tourisme est un objet reconnu de l’anthropologie contemporaine.

La notion d’authenticité, parce qu’elle est perçue à la fois comme une aspiration essentielle des touristes et comme un moyen de préserver les identités et les patrimoines sur les sites touristiques, est le plus souvent au cœur de ces travaux, qui la déconstruisent[...]

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Écrit par

  • : anthropologue, chargée de recherche à l'Institut de recherche pour le développement