TOURISME
Le tourisme en débats
Le tourisme s’est rapidement retrouvé sur la sellette, avec la mise en place d’un système de normes sociales et de condamnations morales qui n’ont pas fondamentalement changé en plus de deux siècles. Les nombreux a priori négatifs que le phénomène a générés ont plusieurs explications (Équipe MIT, 2002).
Voyageurs contre touristes, ou l’élite contre la masse
On voit émerger rapidement l’opposition entre le voyageur et le touriste, le premier se distinguant du second par sa volonté affichée de se fondre dans la société locale, d’accepter de vivre comme les autochtones, de renoncer au confort pour son hébergement. Le voyage itinérant et l’ascèse impliquée sont survalorisés par rapport au séjour touristique et à la villégiature, dénigrés. Ainsi, selon la belle formule du sociologue Jean-Didier Urbain qui a étudié ce mépris, le touriste est « l’idiot du voyage » et ne mérite pas les lieux qu’il découvre, faute d’efforts. Cette critique de la facilité touche d’autres domaines, tel celui de l’art, et d’une façon générale celle de la démocratisation. Les contempteurs du tourisme n’ont pas attendu les congés payés pour s’en prendre aux masses visitant les lieux et les dénaturant ou aux foules grégaires et dévastatrices. Les termes « invasion », « déferlement », « marée », « horde » ou « flot » sont appliqués au tourisme depuis très longtemps. N’est-ce pas la démocratisation du tourisme, au départ très relative mais qui remet tout de suite en question l’apanage de l’élite sur certains lieux, qui est visée au travers de ces critiques ? Ainsi, les mécanismes de la distinction sociale veulent que, dès lors qu’une pratique ou qu’une œuvre n’est plus réservée aux seuls happy few, elle perde en qualité ou en « authenticité ». La duplication et la standardisation sont alors fustigées, comme par Victor Hugo qui, dès 1843, redoute une prochaine transformation de Biarritz qui deviendrait « quelque chose de décoloré et de bâtard comme Dieppe et Ostende ».
La renommée d’une destination touristique se forge en plusieurs étapes. La découverte du lieu est souvent effectuée par des touristes au capital économique et(ou) culturel élevé. À cette phase d’exploration succède une phase d’institutionnalisation dans laquelle le lieu devient à la mode et s’urbanise. Lorsque des populations moins favorisées arrivent, les « élites » le délaissent au profit de contrées considérées comme vierges et non banalisées. L’« intrusion » dans un lieu touristique de classes sociales inférieures est fréquemment considérée comme une dégradation de celui-ci par les élites qui le fréquentaient. Le choix de son lieu de vacances est donc un indicateur social. C’est pour cela que le modèle de Stanley Plog, qui met en relation le choix d’une destination et le type psychologique de voyageur, en omettant la dimension sociologique ou les compétences mobilitaires, est insuffisant. Selon cet auteur, les destinations touristiques seraient découvertes par des personnalités hardies et curieuses, qu’il qualifie d’« allocentriques ». Les personnalités « mi-centriques » arriveraient ensuite, faisant fuir les premières, et seraient suivies par les « psychocentriques », personnalités inquiètes, timides et casanières.
Si le tourisme n’est pas sans effets sur les sociétés visitées, l’idée de déstructuration de celles-ci est ancienne. Ainsi, alors que les touristes ne sont qu’une poignée à visiter Tahiti et ses îles, Edgar Aubert de la Rüe, dans son ouvrage L’Homme et les îles, publié en 1935, n’hésite pas à affirmer : « En beaucoup d’îles, l’arrivée des hordes touristiques a largement contribué à faire disparaître le pittoresque et la couleur locale qui étaient un de leurs grands attraits. » Ce genre de réflexions assez communes[...]
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Écrit par
- Jean-Christophe GAY : agrégé de géographie, professeur des Universités, université Côte d'Azur
Classification
Médias
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