TOURS (CONGRÈS DE)
Le XVIIIe congrès du Parti socialiste unifié, section française de l'Internationale ouvrière, s'ouvre le 25 décembre 1920 à Tours, salle du Manège. L'enjeu en est clair : le parti adhérera-t-il ou n'adhérera-t-il pas à la IIIe Internationale, fondée par les révolutionnaires russes en 1919. Quelle que soit l'issue du vote, les délégués au congrès savent que la minorité ne pourra rester dans le parti : la scission est inévitable.
Le parti de Jaurès, de Guesde et de Vaillant sort indéniablement transformé du conflit mondial. La collaboration avec les partis bourgeois et trois ans d'exercice partagé du pouvoir ont renforcé son patriotisme au détriment de l'internationalisme officiel d'avant la guerre. Les rapports entre les tendances se sont modifiés. Les minoritaires, qui ne remettaient pas en cause la participation à l'effort de guerre, mais qui condamnaient le jusqu'au-boutisme des majoritaires et insistaient sur la vocation pacifiste du mouvement socialiste, l'ont emporté au Congrès de Paris (oct. 1918) : Paul Faure, Jean Longuet, L.-O. Frossard et Marcel Cachin sont maîtres du parti. Les années de l'immédiat après-guerre ont vu se modifier la composition sociale du parti. Ses effectifs sont, en effet, passés de 36 000 environ en 1918 à 178 000 en 1920 : trois adhérents sur quatre sont venus au socialisme dans l'année qui précède le congrès. Fait nouveau, les paysans que la guerre a relativement enrichis et conduits à la vie politique en rompant l'isolement de la campagne française composent une part non négligeable de ces nouveaux adhérents. Enfin, les dirigeants socialistes sont cruellement déçus par le résultat des élections de 1919. Le Bloc national obtient la majorité absolue, et les socialistes sont rejetés dans l'opposition. Or, pour une bonne part, les socialistes justifiaient leur collaboration au gouvernement de guerre par les « bénéfices » qu'en tirerait la classe ouvrière, la paix revenue. Il n'en est rien. Déception également après les grandes grèves, quasi insurrectionnelles, de l'année 1920 : le mouvement syndical est durement réprimé. La tentation est grande de se tourner vers la révolution russe, alors triomphante, et de lui demander les perspectives politiques qui font défaut.
Jusqu'alors, l'attitude du mouvement socialiste français à l'égard de la révolution russe avait certes été faite de soutien sans condition, mais les socialistes français avaient condamné la paix séparée signée à Brest-Litovsk, et surtout ils refusaient le modèle bolchevique, le jugeant inadapté à la France. Cependant, une minorité du parti s'était regroupée dans le Comité pour la IIIe Internationale, dans lequel les dirigeants de Moscou reconnaissaient l'ébauche d'un futur Parti communiste. Pour Moscou, un choix stratégique s'imposait : soit la révolution allemande triomphait rapidement, et il était nécessaire d'avoir en France un noyau révolutionnaire sûr, même minoritaire, afin d'empêcher une intervention impérialiste ; soit la révolution échouait dans ce pays et, dans la perspective d'une lutte de longue haleine, mieux valait emporter la majorité du Parti socialiste, si hétérogène soit-elle, sous certaines conditions (les vingt et une conditions d'adhésion à l'Internationale communiste). En 1920, la seconde stratégie semble avoir été choisie ; Cachin et Frossard sont accueillis favorablement à Moscou ; les révolutionnaires russes, contraints de tenir seuls, sont prêts à négocier avec le centre du Parti socialiste : les délégués français à Moscou acceptent les vingt et une conditions d'adhésion, et l'Internationale leur donne son aval. Mais les deux parties savent très bien qu'en fait il ne s'agit que d'un compromis : le proche avenir du Parti communiste français né à Tours montre la fragilité de l'adhésion du centre du Parti[...]
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Écrit par
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