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TOXICOLOGIE

Toxicologie et thérapeutique

Les rapports de la toxicologie avec la thérapeutique sont étroits, car la distinction entre poison et médicament est en réalité subtile. Il faut bien savoir que, si, à doses convenables, les médicaments peuvent exercer des effets salutaires, ils peuvent, au contraire, provoquer des actions nocives lorsque les doses administrées sont trop fortes, la marge entre les doses thérapeutiques et les doses toxiques étant parfois d'autant plus faible que, en dehors du médicament, de ses modalités d'administration et de son association éventuelle avec d'autres produits, interviennent des facteurs nombreux et complexes, tenant, entre autres, au terrain physique et psychique du patient, à ses conditions de vie et même à la nature et à l'évolution de sa maladie. Cette notion classique des rapports étroits entre l'action médicamenteuse et l'action toxique, si bien soulignée, après Paracelse, par Claude Bernard dans ses leçons au Collège de France, est connue depuis des temps très anciens ; ainsi, les Grecs désignaient par le même terme, pharmacon, le poison et le médicament. Son importance s'est accrue avec la découverte des multiples effets secondaires indésirables que peuvent exercer les substances médicamenteuses à côté de leurs effets bénéfiques. Il en est résulté l'existence d'une pathologie thérapeutique s'extériorisant par de véritables maladies médicamenteuses. Il suffit de rappeler à cet égard les effets tératogènes exercés par certains produits médicamenteux, dont la thalidomide constitue un exemple spectaculaire. La consommation par la femme enceinte d'un tel médicament, par ailleurs dépourvu de nocivité aux doses d'emploi préconisées comme hypnotique et tranquillisant, mais dont la consommation à une certaine période de la gravidité (celle de la formation des ébauches embryonnaires : du 23e au 40e jour) provoque des anomalies très graves chez le fœtus, se traduit par la naissance de véritables monstres.

Ces remarques expliquent la fréquence relative des accidents causés par les substances médicamenteuses et même, parfois de façon dramatique, en raison du jeu capricieux et imprévisible des intolérances innées ou acquises, par certaines substances que des esprits non avertis tendraient à considérer comme absolument anodines. L'extraordinaire accroissement du nombre des corps synthétiques mis par l'industrie chimique à la disposition des thérapeutes, dans les buts les plus divers, n'a fait que multiplier ces risques que vient encore aggraver l'extrême diversité des agressions exogènes concourant à l'installation de réactions d'allergie.

Il resterait beaucoup à dire sur la toxicologie des produits médicamenteux, et en particulier à envisager l'étude des substances génératrices de toxicomanies qui conduisent à la déchéance physique et morale de l'individu. C'est tout le problème du fléau social que constitue la drogue.

Il est bien évident que l'étude des moyens thérapeutiques de lutte contre l'action nocive des poisons est capitale en toxicologie. Y contribuent puissamment, dans le cas de l'homme, les spécialistes de la toxicologie clinique, notamment au niveau des centres antipoisons. Mais les spécialistes de la toxicologie expérimentale peuvent souvent, par leurs investigations, apporter des bases fondamentales pour la découverte d'antidotes. Il en a été ainsi, parmi beaucoup d'autres exemples, dans le cas du dimercapto-2, 3 propanol (ou BAL), très actif vis-à-vis des intoxications par des éléments thioloprives comme l'arsenic ou le mercure, ainsi que dans celui des réactivateurs des cholinestérases de la série de la pralidoxime, efficaces contre la plupart des insecticides organophosphorés anticholinestérasiques.

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Écrit par

  • : membre de l'Académie des sciences, membre de l'Académie nationale de médecine.

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