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TRAÇABILITÉ AGROALIMENTAIRE

Ambition et arbitrage coût-efficacité de la traçabilité agroalimentaire de l’Union européenne

La nouvelle réglementation européenne en matière de sécurité de l’alimentation, dite « paquet hygiène », entrée en vigueur en 2006, rend obligatoire une traçabilité dans le secteur agroalimentaire. L’objectif est d’être en capacité de contenir les effets déstabilisateurs d’une éventuelle crise de sécurité alimentaire sur les marchés. L’ambition est très élevée, mais les pouvoirs publics ne veulent pas que cette traçabilité se traduise par des coûts qui pèseraient sur la compétitivité des entreprises et des filières ou qui se répercuteraient trop lourdement sur les prix de vente aux consommateurs.

Sur le principe, la barre est très haute. Aucun produit alimentaire ne devrait échapper à cette traçabilité et toutes les étapes de la chaîne de production alimentaire sont concernées, du producteur agricole au consommateur final. Doivent mettre en place un système de traçabilité toutes les entreprises manipulant des denrées alimentaires, des aliments pour animaux, des substances destinées à être intégrées dans la fabrication de denrées alimentaires ou d’aliments pour animaux, ainsi que les éleveurs d’animaux vivants. L’objectif est de pouvoir connaître et retrouver les fournisseurs de tous les produits et substances, d’identifier les clients professionnels par produit commercialisé, d’organiser un archivage des informations de traçabilité, d’être en mesure de fournir aux autorités publiques les informations de traçabilité.

Pour restreindre les coûts d’organisation, la réglementation limite l’ampleur et le périmètre de la traçabilité imposée. La finalité est la gestion de la sécurité des aliments. En conséquence, la traçabilité obligatoire « se contente » de seulement suivre les utilisations et les transformations du produit pour tracer le chemin balisé par les points à risques sanitaires possibles. Ainsi, les changements de composition des produits ne sont pas forcément enregistrés (ce qui rend possible une fraude sur la composition). La réglementation distingue également une traçabilité obligatoire et une traçabilité volontaire. La première concerne l’enregistrement des fournisseurs à l’entrée de l’entreprise et des clients à la sortie. En revanche, au sein de chaque entreprise, la « traçabilité interne » est volontaire, elle est l’affaire de l’entreprise. La réglementation ne contraint pas à connecter la traçabilité à l’amont de l’entreprise et la traçabilité à son aval. Elle n’impose pas à une entreprise d’identifier chaque produit sortant en fonction des produits qui sont entrés dans l’entreprise.

La traçabilité globale d’une denrée alimentaire, depuis la production primaire jusqu’à la distribution finale au consommateur, est en fait segmentée à chaque étape. Pour chaque entreprise, la traçabilité se limite à l’horizon amont de ses propres fournisseurs et à l’horizon aval de ses propres clients. L’information peut rester confinée à l’étape considérée et, au final, les différents éléments d’information enregistrés peuvent demeurer éparpillés dans la filière sans qu’aucun document de synthèse ne soit exigé. Une entreprise n’est pas tenue de rechercher les fournisseurs de ses propres fournisseurs. En conséquence, seules les autorités publiques compétentes peuvent avoir une vision globale des résultats de la traçabilité, en additionnant et regroupant les informations segmentées obtenues auprès de chaque entreprise concernée.

La traçabilité fractionnée, mi-obligatoire, mi-volontaire, correspond à un arbitrage entre un certain niveau de risque acceptable et des coûts de traçabilité limités. Elle permet des « retraits ciblés et précis » des produits repérés comme dangereux pour la santé (risque de toxi-infections) afin d’éviter un coût[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique

Médias

Le blé et ses utilisations - crédits : Encyclopædia Universalis France

Le blé et ses utilisations

Étal de fruits - crédits : Julian Elliott/ Shutterstock

Étal de fruits

Traçabilité dans la chaîne agroalimentaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Traçabilité dans la chaîne agroalimentaire

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  • AGRICULTURE BIOLOGIQUE

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    ...de la fraude alimentaire et leurs pratiques diffèrent. Certes, l’Union européenne prévoie de nombreux contrôles et règlements permettant d’assurer la traçabilité et l’étiquetage des aliments, mais, dans la pratique, l'application de ces dispositions varie fortement d’un État membre à l’autre, et le nombre...