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TRADITION

Le mot « tradition » (en latin traditio, « acte de transmettre ») vient du verbe tradere, « faire passer à un autre, livrer, remettre ». Littré en a distingué quatre sens principaux : « Action par laquelle on livre quelque chose à quelqu'un » ; « transmission de faits historiques, de doctrines religieuses, de légendes, d'âge en âge par voie orale et sans preuve authentique et écrite » ; « particulièrement, dans l'Église catholique, transmission de siècle en siècle de la connaissance des choses qui concernent la religion et qui ne sont point dans l'Écriture sainte » ; « tout ce que l'on sait ou pratique par tradition, c'est-à-dire par une transmission de génération en génération à l'aide de la parole ou de l'exemple » (Dictionnaire de la langue française).

Les définitions proposées par Littré se rapportent soit au sens particulier, juridique et liturgique, de traditio dans le droit romain et dans certains usages de l'ancien droit français ou lors de la remise de dignités ecclésiastiques, soit au sens général de « transmission ». Le rhéteur Quintilien, dans le De institutione oratoria, donne à traditio le sens d'« enseignement ».

Il faut éviter de confondre entre eux deux verbes que sous-entend la notion de « tradition » : « remettre » et « transmettre », tradere et transmittere. Le premier se rapporte à une « chose remise » ou à un « objet livré » selon une convention ou un contrat entre des parties. Le second répond à l'acte même de la transmission entre des sujets, et désigne non seulement des contenus mais aussi des opérations et une fonction, de portée universelle, car, de même que l'invention ne peut être réduite à la description, à l'histoire ou à l'analyse des objets inventés, la tradition ne saurait l'être à celles des « contenus » transmis, qu'il s'agisse de faits, de coutumes, de doctrines, d'idéologies ou d'institutions particulières.

La tradition ne se borne pas, en effet, à la conservation ni à la transmission des acquis antérieurs : elle intègre, au cours de l'histoire, des existants nouveaux en les adaptant à des existants anciens. Sa nature n'est pas seulement pédagogique ni purement idéologique : elle apparaît aussi comme dialectique et ontologique. La tradition fait être de nouveau ce qui a été ; elle n'est pas limitée au faire savoir d'une culture, car elle s'identifie à la vie même d'une communauté.

Il importe donc de ressaisir activement l'expérience traditionnelle à travers trois relations fondamentales : en tant que médiation et intégration des cultures dans les conditions variables de la nature, en tant qu'apparition d'une communauté à elle-même à travers la perpétuelle « re-création » de ses valeurs, en tant que visée de l'absolu dans ses rapports avec l'expérience du sacré.

La notion de tradition

La tradition, médiation et intégration des cultures

L'acte de transmettre et l'acte d'inventer constituent deux opérations spécifiquement humaines, car aucune espèce animale n'est capable d'adapter la continuité de ses acquis expérimentaux anciens à la discontinuité de ses découvertes, de ses inventions et de leurs expériences nouvelles. C'est pourquoi la tradition ne se borne point à la conservation des éléments d'une culture, c'est-à-dire à leur maintien dans le même état. Une invention qui ne serait pas transmise devrait être sans cesse réinventée. Inversement, en l'absence de toute invention, les traditions de l'âge paléolithique seraient encore les nôtres et nos cultures n'auraient jamais pu apparaître ni s'édifier.

À sa capacité passive de conservation toute tradition ajoute ainsi sa capacité active d'intégration d'existants nouveaux[...]

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Écrit par

  • : historien des sciences et des techniques, ingénieur conseil
  • : directeur de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)

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