TRADUCTION
Le XXe siècle
Au xxe siècle, la situation devient plus complexe. Deux facteurs ont une incidence sur la traduction : sur le plan scientifique, l'avènement de la linguistique ; sur le plan technique, l'introduction de l'informatique.
La linguistique est tantôt accueillie par les traducteurs comme un outil de précision dans leur pratique, tantôt, au contraire, rejetée. Sur le plan théorique, l'influence de la linguistique est, en revanche, radicale. Elle apparaît tout d'abord dans le cadre théorique du structuralisme, d'une part en Europe de l'Est avec le cercle de Prague, d'autre part aux États-Unis sous l'impulsion d'Eugene Nida, président de l'Association de la traduction de la Bible. Les publications de Nida, Structure of Langage and Theory of Translation, et plus particulièrement Towards a Science of Translating, ont marqué une attitude nouvelle à l'égard de la traduction jusque-là considérée comme un art. Par la suite, l'influence de la linguistique s'est fait sentir en Europe avec une diversification des cadres théoriques. Les théoriciens de la traduction sont nombreux, actuellement, à souligner la nécessité de lier la théorie de la traduction à une théorie du langage : c'est le cas de George Steiner dans After Babel, d' Henri Meschonnic dans Pour la poétique II, de Louis Kelly dans The True Interpreter, de Peter Newmark dans Aspects of Translation et d'Antoine Berman dans L'Épreuve de l'étranger et Pour une critique des traductions : John Donne. Deux aspects du langage sont souvent soulignés, la dimension culturelle et la dimension discursive.
La traduction automatique a fait l'objet de nombreuses recherches sur le plan international. Des centres de recherche ont été créés en Europe, dans le cadre du programme Eurotra lancé par la Communauté européenne. L'objectif de ce programme était de traduire un même texte directement dans plusieurs langues. Les résultats obtenus ont réorienté cette perspective. Plutôt que de traduction automatique, on parle à présent de « traduction assistée par ordinateur ».
Sur le plan culturel, la création de nombreux centres, associations et publications dans le domaine de la traduction, sur les plans économique et social, l'avènement de la Communauté européenne ont donné un nouvel essor à la traduction. En 1953 a été créée la Fédération internationale des traducteurs. En France, on voit naître en 1947 la Société française des traducteurs et, en 1973, l'Association des traducteurs littéraires. La création de centres de traduction – pour la traduction littéraire à Strahlen en Allemagne et à Arles en France, pour la traduction technique, le centre Amyot à Paris – indique un nouveau tournant. La traduction acquiert à présent un statut institutionnel.
Parallèlement à l'évolution dans le domaine pratique de la traduction, les courants théoriques se multiplient et se diversifient. Mais, en dépit des spécificités, on distingue essentiellement deux démarches : le modèle idéal fondé sur la critique des traductions et sur un jugement qualitatif, et le modèle scientifique fondé sur la systématisation des phénomènes observables.
Les tenants de l'optique « évaluative » s'associent aux critères de Walter Benjamin exposés dans La Tâche du traducteur, texte qui a largement influencé tout un courant de réflexion sur la traduction. Benjamin cherche au-delà des langues naturelles un langage qui serait « pure essence ». Il conçoit la traduction comme une mutation qui modifie l'œuvre originale et transforme la langue maternelle grâce à la langue étrangère. Il s'associe en cela à l'optique du romantisme allemand. Henri Meschonnic se réclame de Benjamin dans son rejet de l'« annexion traductrice ». En revanche, il s'inscrit contre le littéralisme formel d'André Chouraqui, qui constitue[...]
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Écrit par
- Jacqueline GUILLEMIN-FLESCHER : agrégée d'anglais, docteur d'État, professeur d'études anglophones à l'université de Paris-VII
Classification
Média
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