TRAITÉ DE L'HARMONIE RÉDUITE À SES PRINCIPES NATURELS, Jean-Philippe Rameau
L'harmonie classique exposée par Rameau
Le principe de la production des sons
Dans le Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels, Rameau appuie sa théorie sur le principe de la production des sons par différentes divisions d'une même corde : il s'inspire du Compendium musicae (1618) de Descartes. Mais dès 1726, date du Nouveau système de musique théorique, il introduit ce qui va devenir le fondement de son système : la « résonance naturelle du corps sonore », établie par Joseph Sauveur. Tout corps qui vibre de manière audible émet non seulement un son principal dominant (son fondamental) mais encore des harmoniques à l'aigu de ce fondamental.
Rameau est le premier à justifier la pratique harmonique en l'expliquant par une théorie cohérente dérivée de la nature du son. Avant lui, il y avait eu de nombreux traités d'harmonie, mais tous étaient pratiques ; il s’agissait d’une compilation des règles pour faire de la musique sans référence aux principes. Rameau est convaincu qu'il faut se libérer de la superstition du nombre et des artifices numériques hérités des pythagoriciens pour trouver un principe donné par la nature qui tienne compte tant des corps sonores que de nos organes auditifs. Marin Mersenne l'avait en partie précédé dans cette recherche mais ce sont bien les découvertes de Joseph Sauveur qui lui servent de base. Sauveur, l'inventeur du mot et de la science de l'acoustique, énonça la théorie physique des harmoniques et fut le premier à en faire un usage conséquent en vue d’une théorie musicale. Il montra qu'ils existaient dans la nature mais ne se demanda pas comment ni pourquoi ils passaient en nous. Rameau commence précisément là où Sauveur s'arrête. Tous les théoriciens antérieurs, suivant l'exemple des Grecs, étaient partis de la gamme, chose naturelle dans un système de musique monodique. Rameau aligne théorie et pratique ; il se rend compte que l'époque de la mélodie pure est finie et qu'une grande partie de la puissance affective même du contrepoint est due à des chocs expressifs de sons. Il commence donc ses recherches par l'accord que donne la corde qui résonne, dans le son duquel il perçoit l'octave supérieure, la douzième (quinte de l’accord parfait), la seconde octave, la dix-septième majeure (tierce de l’accord parfait majeur), et des harmoniques encore plus hauts.
La déduction du système harmonique
Le son que donne la longueur totale de la corde est le son fondamental, ou générateur de l'accord, la basse fondamentale qui joue un rôle capital dans le système de Rameau ; le deuxième et le troisième harmoniques avec ce fondamental donnent la triade majeure. Rameau trouve ainsi l'unité de l'harmonie dans un seul son principal au lieu de la chercher comme c’était le cas jusqu'alors dans les divisions de l'octave.
Il est amené à considérer comme identiques les accords qui dérivent des différentes combinaisons des mêmes notes et à introduire la notion de renversement des accords : l'idée des intervalles renversés était depuis longtemps courante, mais celle des accords renversés est une découverte de Rameau.
En classifiant ainsi comme harmoniquement identiques toutes les variétés et toutes les positions d'un accord, il simplifie grandement la théorie harmonique.
La théorie des deux séries de quintes
Sa partie la plus originale est la théorie des deux séries de quintes : l'ascendante et la descendante. En plus des harmoniques supérieurs (dans l’aigu), on connaissait à l'époque des harmoniques inférieurs (dans le grave). Lorsqu'on tend à côté d'une corde résonnante d'autres cordes deux, trois, quatre et cinq fois plus longues, on les voit frémir bien que leurs vibrations soient imperceptibles à l'oreille. Ainsi, la corde deux fois plus longue donne l'octave au-dessous, celle[...]
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)