TRAITÉ DE LA PEINTURE, Léonard de Vinci Fiche de lecture
Vers 1490, à la cour de Ludovic le More, duc de Milan, Léonard de Vinci (1452-1519) songeait déjà à composer un traité, dont le manuscrit A de la bibliothèque de l'Institut à Paris contient le projet et le premier noyau. Jusqu'à sa mort, il ne cessa de rédiger des notes, élargissant, compliquant et raffinant son dessein à un point tel que le plan et la possibilité de le structurer et de le publier lui firent défaut. Après sa mort, son héritier, Francesco Melzi, en fit faire une compilation, fidèle mais inachevée et maladroite, qui est aujourd'hui le Codex Urbinas lat. 1270 de la bibliothèque Vaticane. Une cinquantaine de copies dérivées et incomplètes de ce manuscrit attestent la diffusion des idées et des recherches de Léonard au xvie siècle. La première édition imprimée est l'œuvre de Raphaël du Fresne (Paris, 1651) : elle est illustrée de gravures, mais le texte en est repensé en fonction de la théorie académique naissante. Face à la dispersion et à l'aspect labyrinthique des notes de Léonard, rédigées en italien et en écriture spéculaire, l'édition d'André Chastel a pris le parti de combiner les textes du Codex urbinas et les notations concernant la peinture figurant dans les manuscrits autographes, fragments sélectionnés, classés en fonction de diverses problématiques et commentés par des introductions, d'en évoquer la chronologie, les lacunes et les pertes, de les associer aux diagrammes et croquis de Léonard ainsi qu'à des détails de ses peintures et d'en donner une traduction plus aisée que littérale. Il s'agit donc d'une construction critique, appuyée sur les meilleures études, à la fois synthétique et subtile.
« Ne lise mes principes qui n'est pas mathématicien »
« Le jeune homme doit d'abord apprendre la perspective, ensuite les proportions de toutes les choses », car « la perspective est bride et gouvernail de la peinture ». Mais à la perspective linéaire héritée de la tradition toscane et dont il critique certaines apories, Léonard propose des alternatives (perspective curviligne, anamorphoses) et des compléments sur le plan chromatique (perspective atmosphérique des peintres flamands) ainsi que sur celui du dessin (perspective d'effacement, qui brouille les contours des corps vus à grande distance à travers une épaisse couche d'air). Après avoir analysé la structure de l'œil et les processus de la vision humaine, il s'attarde sur les phénomènes des lumières et des ombres perçues par l'œil, sur leurs degrés, mélanges, reflets, pour fonder rationnellement le modelé des corps par le clair-obscur et la restitution des corps dans des conditions d'éclairage changeantes, intérieur ou plein air, soleil ou brouillard. Presque toutes les remarques de Léonard sont par ailleurs présentées comme des théorèmes, des démonstrations, des expériences étayées par des croquis ; mais il manque le lien logique entre toutes ces propositions isolées, souvent entachées d'une prédilection esthétique pour tel effet ou d'une intention polémique.
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Écrit par
- Martine VASSELIN : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, maître de conférences en histoire de l'art des Temps modernes à l'université de Provence
Classification
Média
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