Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TRAITE DES NOIRS

Effets de la Grande Déportation

Avant 1650, la traite vers le Nouveau Monde portait sur moins de 10 000 esclaves par an. Ces ponctions, limitées à l'échelle du continent, pesaient déjà sur les régions les plus atteintes : haute Guinée, Sénégambie, Congo, Angola et peut-être Bénin. Un tournant se produit au cours du premier quart du xviiie siècle, lorsque la demande américaine – activée par l'essor des plantations en Amérique du Nord et aux Antilles, ainsi que par l'exploitation simultanée de l'agriculture et des mines d'or au Brésil – fait quadrupler les prix des esclaves en Afrique. L'Amérique devient la plus grande zone esclavagiste du monde, dépassant de loin les marchés du Moyen-Orient. Cette hausse du prix des « pièces » accentue les mécanismes sociaux et les politiques de production d'esclaves en Afrique : on voit s'intensifier les razzias perpétrées par les ethnies guerrières, les enlèvements organisés par des bandes, les pratiques coutumières punissant des délits divers de la peine de captivité. En même temps entrent en lice les grandes zones africaines de déportation : baie du Bénin, Côte de l'Or, Loango et surtout Angola. L'accroissement de la demande américaine entraîne une hausse des prix des captifs, diminuant du même coup les transferts d'esclaves vers le Moyen-Orient et la région subsaharienne. Sous l'effet de ces déplacements massifs de population, les sociétés africaines subissent de profonds changements.

1600 à 1700. Les nouveaux conquérants - crédits : Encyclopædia Universalis France

1600 à 1700. Les nouveaux conquérants

Récolte du café - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Récolte du café

Le débat relatif aux ponctions esclavagistes sur le continent noir est déjà ancien. Malthus écrivait au début du xixe siècle que la démographie africaine pouvait combler les pertes humaines causées par la traite océanique. À la même époque, les abolitionnistes européens affirmaient, au contraire, que ces prélèvements dépeuplaient l'Afrique. Une étude localisée et méticuleuse (P. Manning et W. S. Griffiths, 1988) montre que la traite atlantique a durement éprouvé les populations des régions côtières de l'Afrique de l'Ouest. Peuplées de 25 millions d'habitants en 1730, ces régions avaient perdu de 3 à 7 millions d'habitants en 1850. Même si elles ont été moins nombreuses que celles des hommes, les déportations de jeunes femmes dans la tranche d'âge de 15 à 29 ans – les années les plus favorables de la fécondité féminine – ont lourdement pesé sur la reproduction des populations de la région. Toujours en Afrique de l'Ouest, où les études démographiques sont plus poussées, on peut estimer à environ 12 millions le nombre d'individus capturés à partir de 1700. De ce total, 6 millions ont été déportés outre-mer, 4 millions furent livrés à la captivité domestique et les 2 millions restants périrent en Afrique au cours du processus de leur mise en esclavage.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur d'histoire du Brésil, directeur du Centre d'études du Brésil et de l'Atlantique sud à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Médias

La traite des Noirs - crédits : Encyclopædia Universalis France

La traite des Noirs

1600 à 1700. Les nouveaux conquérants - crédits : Encyclopædia Universalis France

1600 à 1700. Les nouveaux conquérants

Récolte du café - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Récolte du café

Autres références

  • ABOLITION INTERNATIONALE DE LA TRAITE ATLANTIQUE

    • Écrit par
    • 189 mots
    • 1 média

    La traite des Noirs par l'Atlantique a débuté au xve siècle, à destination de l'Europe, mais c'est après la découverte de l'Amérique qu'elle a pris son essor, pour fournir de la main-d'œuvre aux plantations. Les estimations sur le nombre de personnes déportées d'Afrique en Amérique varient,...

  • TRAITE DES ESCLAVES - (repères chronologiques)

    • Écrit par
    • 240 mots

    8 août 1444 Vente publique d'Africains (blancs et noirs) à Lisbonne.

    1518 Charles Quint crée le système de l'asiento (monopole de l'État et concession à des particuliers).

    1602 Création de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, modèle des compagnies concessionnaires...

  • ABOLITIONNISME, histoire de l'esclavage

    • Écrit par
    • 2 943 mots
    • 3 médias
    ...l'abbé Grégoire (le véritable abolitionniste français de l'époque révolutionnaire) de supprimer les primes aux armateurs négriers, sans interdire la traite elle-même. Si le 16 pluviôse an II (4 février 1794), la Convention vote enfin le décret abolissant l'esclavage, le mérite en revient moins aux abolitionnistes...
  • AFRIQUE (Structure et milieu) - Géographie générale

    • Écrit par
    • 24 465 mots
    • 27 médias
    La longue éclipse de l'Afrique dans l'histoire mondiale est évidemment à mettre en relation avec latraite des esclaves qui a entravé la croissance démographique du continent tout en entraînant une large dissémination des populations noires dans le Nouveau Monde. La question de l'esclavage et...
  • AFRIQUE (Histoire) - De l'entrée dans l'histoire à la période contemporaine

    • Écrit par , et
    • 9 654 mots
    • 6 médias
    ...à Arguin, les Portugais construisent, après 1482, le fort de São Jorge da Mina (Ghana actuel) ; dès 1493, São Tomé devient la plaque tournante de leur commerce entre Congo et Bénin ; très vite, ils y stockent des esclaves vendus ensuite aussi bien en Afrique occidentale (Ashanti) qu'en Europe, ou dans...
  • AMÉRIQUE (Structure et milieu) - Géographie

    • Écrit par , et
    • 18 105 mots
    • 9 médias
    L'introduction des Noirs fut aussi un des effets de la colonisation. Dans ce domaine également, l'Amérique ibérique se montra particulièrement précoce. Suivant la recommandation du père Bartolomé de Las Casas, qui s'effrayait de voir les Indiens mourir en grand nombre dans les mines...
  • Afficher les 51 références