- 1. Le commerce d'esclaves en Afrique
- 2. Effets de la Grande Déportation
- 3. Les déplacements des circuits de traite
- 4. Le regain de l'esclavage en Afrique
- 5. La traversée atlantique
- 6. La traite et la colonisation de l'Amérique
- 7. La traite et l'économie atlantique
- 8. L'abolition de la traite des Noirs
- 9. Bibliographie
TRAITE DES NOIRS
Effets de la Grande Déportation
Avant 1650, la traite vers le Nouveau Monde portait sur moins de 10 000 esclaves par an. Ces ponctions, limitées à l'échelle du continent, pesaient déjà sur les régions les plus atteintes : haute Guinée, Sénégambie, Congo, Angola et peut-être Bénin. Un tournant se produit au cours du premier quart du xviiie siècle, lorsque la demande américaine – activée par l'essor des plantations en Amérique du Nord et aux Antilles, ainsi que par l'exploitation simultanée de l'agriculture et des mines d'or au Brésil – fait quadrupler les prix des esclaves en Afrique. L'Amérique devient la plus grande zone esclavagiste du monde, dépassant de loin les marchés du Moyen-Orient. Cette hausse du prix des « pièces » accentue les mécanismes sociaux et les politiques de production d'esclaves en Afrique : on voit s'intensifier les razzias perpétrées par les ethnies guerrières, les enlèvements organisés par des bandes, les pratiques coutumières punissant des délits divers de la peine de captivité. En même temps entrent en lice les grandes zones africaines de déportation : baie du Bénin, Côte de l'Or, Loango et surtout Angola. L'accroissement de la demande américaine entraîne une hausse des prix des captifs, diminuant du même coup les transferts d'esclaves vers le Moyen-Orient et la région subsaharienne. Sous l'effet de ces déplacements massifs de population, les sociétés africaines subissent de profonds changements.
Le débat relatif aux ponctions esclavagistes sur le continent noir est déjà ancien. Malthus écrivait au début du xixe siècle que la démographie africaine pouvait combler les pertes humaines causées par la traite océanique. À la même époque, les abolitionnistes européens affirmaient, au contraire, que ces prélèvements dépeuplaient l'Afrique. Une étude localisée et méticuleuse (P. Manning et W. S. Griffiths, 1988) montre que la traite atlantique a durement éprouvé les populations des régions côtières de l'Afrique de l'Ouest. Peuplées de 25 millions d'habitants en 1730, ces régions avaient perdu de 3 à 7 millions d'habitants en 1850. Même si elles ont été moins nombreuses que celles des hommes, les déportations de jeunes femmes dans la tranche d'âge de 15 à 29 ans – les années les plus favorables de la fécondité féminine – ont lourdement pesé sur la reproduction des populations de la région. Toujours en Afrique de l'Ouest, où les études démographiques sont plus poussées, on peut estimer à environ 12 millions le nombre d'individus capturés à partir de 1700. De ce total, 6 millions ont été déportés outre-mer, 4 millions furent livrés à la captivité domestique et les 2 millions restants périrent en Afrique au cours du processus de leur mise en esclavage.
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Écrit par
- Luiz Felipe de ALENCASTRO : professeur d'histoire du Brésil, directeur du Centre d'études du Brésil et de l'Atlantique sud à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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