Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TRAITE DES NOIRS

Les déplacements des circuits de traite

Afrique, XIX<sup>e</sup> siècle, économie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Afrique, XIXe siècle, économie

S'il est certain que les migrations forcées furent plus lourdes en Afrique occidentale et centrale, toutes les autres régions ont été touchées à des degrés divers. C'est vers la fin du xviiie siècle que les migrations forcées ont atteint leur apogée, avec des moyennes annuelles de 100 000 individus transportés outre-mer. Ce niveau élevé s'est maintenu au début du xixe siècle. On assiste alors à un déplacement des zones de capture d'esclaves : du littoral vers l'intérieur, et de l'ouest vers l'est du continent. La branche du trafic négrier située en Afrique orientale – qui n'a duré qu'un siècle – reposait sur deux débouchés principaux. Le premier, qui concernait surtout les esclaves masculins, était constitué par les plantations européennes, d'abord celles du Nouveau Monde puis celles de l'océan Indien. Le second débouché, surtout pour les femmes esclaves, était le système esclavagiste du Moyen-Orient, lequel comprenait aussi le Kenya et l'île de Zanzibar. Dans les savanes du Nord et dans la corne de l'Afrique, les achats annuels n'ont pas dépassé 20 000 esclaves, mais l'impact démographique de ce trafic fut aussi important, car ce chiffre comprenait un nombre élevé de femmes. Plusieurs conséquences découlent de ces migrations.

Deux systèmes esclavagistes peuvent être distingués en Afrique noire : l'esclavage lignager ou parental et l'esclavage de marché. Dans le premier cas, les femmes esclaves, travaillant dans l'économie domestique, deviennent souvent des concubines ou des épouses dont les fils pourront éventuellement acquérir des droits qui abolissent leur statut d'esclaves. Cette forme d'esclavage, assimilatrice, prédominante dans les zones côtières, se propage vers l'intérieur de l'Afrique avec l'intensification de la traite atlantique. En conséquence, des changements apparaissent au cours du xviie et du xviiie siècle, dans la plupart des sociétés côtières, où la polygynie et le travail féminin se généralisent et s'intensifient à mesure que s'accroissent les transferts de jeunes hommes vers l'Amérique. Le second système africain, l'esclavage de marché, fut aussi modifié par la Grande Déportation. Contrairement à l'esclavage lignager ou parental, ce système engageait surtout des hommes. Isolés dans des cases, ceux-ci étaient privés de tout lien familial et travaillaient pour les couches aristocratiques et pour les marchés régionaux. Présent dans les savanes, où les réseaux transsahariens de trafiquants drainaient la plupart des captives, ce système engendra une couche d'individus asservis, désocialisés, transformés en marchandises, qui constituaient une véritable classe d'esclaves. À la fin du xviiie siècle s'amorce le déclin de la traite vers le Nouveau Monde et, au xixe siècle, le trafic de captifs vers l'océan Indien diminue. Ainsi, les circuits continentaux de traite, après avoir approvisionné les marchés étrangers au cours des siècles précédents, vont réorienter les ventes d'esclaves vers les marchés intérieurs africains.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur d'histoire du Brésil, directeur du Centre d'études du Brésil et de l'Atlantique sud à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Médias

La traite des Noirs - crédits : Encyclopædia Universalis France

La traite des Noirs

1600 à 1700. Les nouveaux conquérants - crédits : Encyclopædia Universalis France

1600 à 1700. Les nouveaux conquérants

Récolte du café - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Récolte du café

Autres références

  • ABOLITION INTERNATIONALE DE LA TRAITE ATLANTIQUE

    • Écrit par
    • 189 mots
    • 1 média

    La traite des Noirs par l'Atlantique a débuté au xve siècle, à destination de l'Europe, mais c'est après la découverte de l'Amérique qu'elle a pris son essor, pour fournir de la main-d'œuvre aux plantations. Les estimations sur le nombre de personnes déportées d'Afrique en Amérique varient,...

  • TRAITE DES ESCLAVES - (repères chronologiques)

    • Écrit par
    • 240 mots

    8 août 1444 Vente publique d'Africains (blancs et noirs) à Lisbonne.

    1518 Charles Quint crée le système de l'asiento (monopole de l'État et concession à des particuliers).

    1602 Création de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, modèle des compagnies concessionnaires...

  • ABOLITIONNISME, histoire de l'esclavage

    • Écrit par
    • 2 943 mots
    • 3 médias
    ...l'abbé Grégoire (le véritable abolitionniste français de l'époque révolutionnaire) de supprimer les primes aux armateurs négriers, sans interdire la traite elle-même. Si le 16 pluviôse an II (4 février 1794), la Convention vote enfin le décret abolissant l'esclavage, le mérite en revient moins aux abolitionnistes...
  • AFRIQUE (Structure et milieu) - Géographie générale

    • Écrit par
    • 24 465 mots
    • 27 médias
    La longue éclipse de l'Afrique dans l'histoire mondiale est évidemment à mettre en relation avec latraite des esclaves qui a entravé la croissance démographique du continent tout en entraînant une large dissémination des populations noires dans le Nouveau Monde. La question de l'esclavage et...
  • AFRIQUE (Histoire) - De l'entrée dans l'histoire à la période contemporaine

    • Écrit par , et
    • 9 654 mots
    • 6 médias
    ...à Arguin, les Portugais construisent, après 1482, le fort de São Jorge da Mina (Ghana actuel) ; dès 1493, São Tomé devient la plaque tournante de leur commerce entre Congo et Bénin ; très vite, ils y stockent des esclaves vendus ensuite aussi bien en Afrique occidentale (Ashanti) qu'en Europe, ou dans...
  • AMÉRIQUE (Structure et milieu) - Géographie

    • Écrit par , et
    • 18 105 mots
    • 9 médias
    L'introduction des Noirs fut aussi un des effets de la colonisation. Dans ce domaine également, l'Amérique ibérique se montra particulièrement précoce. Suivant la recommandation du père Bartolomé de Las Casas, qui s'effrayait de voir les Indiens mourir en grand nombre dans les mines...
  • Afficher les 51 références