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TRAITE DES NOIRS

La traversée atlantique

De toutes les étapes de la traite des Noirs, celle de la traversée atlantique est peut-être la mieux connue. Les achats et les ventes d'Africains outre-Atlantique donnèrent lieu, dans les États et les colonies impliqués dans ce type de commerce, à des registres fiscaux réguliers. Au total, plus du tiers des voyages négriers entrepris entre l'Afrique et l'Amérique furent dûment enregistrés dans les archives du Vieux et du Nouveau Monde. Néanmoins, la dispersion, jusqu'à une date récente, de la documentation disponible, occasionna un nombre de spéculations au sujet de la Grande Déportation.

À l'origine de ces équivoques se trouve peut-être l'idée que les esclaves étaient acquis à si bon marché dans les ports de traite africains, que, même si la mortalité était élevée au cours de la traversée, à l'issue du voyage les profits des négriers restaient encore considérables. Or il est désormais établi que la valeur des produits destinés à l'achat d'Africains dépassait la valeur des autres composantes de l'entreprise négrière : salaires de l'équipage, nourriture des marins et des esclaves et prix du navire lui-même. Pendant le xviiie siècle, près des deux tiers de la valeur des dépenses des trafiquants français concernent l'achat de marchandises de troc. Contrairement à l'idée reçue, les négriers avaient donc tout intérêt à éviter des taux de mortalité excessifs pendant le transport maritime des Africains. Avant le début du xviiie siècle, les sources révèlent une mortalité moyenne de 20 p. 100 des captifs pendant la traversée, avec des différences très importantes d'un navire à l'autre. Après 1700 se dégage une double tendance : d'une part, le taux de mortalité décline, d'autre part, la majorité des navires présentent des taux proches de la moyenne observée.

Vaisseau négrier - crédits : MPI/ Getty Images

Vaisseau négrier

On note alors, parmi les négriers de toutes les nations, la généralisation de mesures visant à diminuer la mortalité en mer des esclaves. L'argument selon lequel des négriers de tel ou tel pays auraient soumis les esclaves à un « meilleur traitement » n'a pas de fondement statistique. Au milieu du xviiie siècle, dans toutes les nations négrières, les taux de mortalité en mer se situent autour de 10 p. 100 et, à la fin du siècle, ils tombent à 5 p. 100. Lors de la traite clandestine vers les Antilles et le Brésil, durant la première moitié du xixe siècle, les taux de mortalité se sont de nouveau élevés. Cependant, l'analyse systématique de milliers de vaisseaux négriers n'a pas permis de déceler une corrélation statistique entre le tonnage, l'espace disponible, et la mortalité des esclaves transportés. Comme l'écrit l'historien H. S. Klein (1988), cela ne veut pas dire que les esclaves voyageaient confortablement ; « cela signifie simplement que, après beaucoup d'expériences, les négriers n'embarquaient que les esclaves en état de traverser l'Atlantique ».

Dans la seconde moitié du siècle, les navires négriers de différentes nations relèvent de modèles très proches et jaugent en moyenne 200 tonnes. Cette constatation sur la spécialisation des flottes de traite réduit la portée historique et statistique du «  commerce triangulaire », dans lequel les produits européens étaient transportés en Afrique pour y être troqués contre des esclaves remis en Amérique, où ceux-ci s'échangeaient, à leur tour, contre du sucre expédié en Europe, au cours d'un seul et unique voyage. En réalité, la majorité des produits américains arrivent en Europe dans des navires plus grands que ceux des négriers, alors que la majorité de ces derniers retournent vers l'Europe avec peu de frêt ou sur leur lest. Surtout, le plus volumineux et le plus durable des segments de la traite atlantique, vers le Brésil, qu'empruntaient 38 p. 100 des esclaves[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire du Brésil, directeur du Centre d'études du Brésil et de l'Atlantique sud à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Médias

La traite des Noirs - crédits : Encyclopædia Universalis France

La traite des Noirs

1600 à 1700. Les nouveaux conquérants - crédits : Encyclopædia Universalis France

1600 à 1700. Les nouveaux conquérants

Récolte du café - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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