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TRAITÉ DES SENSATIONS, Étienne Bonnot de Condillac Fiche de lecture

Étienne Bonnot de Condillac - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Étienne Bonnot de Condillac

Étienne Bonnot de Condillac (1714-1780), a pu écrire Karl Marx, est « le disciple immédiat et l'interprète français de Locke » : il a attaché son nom à une doctrine, le sensualisme, qui apparaît en effet comme un prolongement de l'empirisme défendu dans l'Essai sur l'entendement humain. Plus encore que le philosophe anglais, il insiste sur le rôle des signes, et donc du langage, dans la genèse de la connaissance : il fournit à l'Encyclopédie sa Logique et à l'Idéologie (Destutt de Tracy) son programme. Le Traité des sensations (1754) s'efforce de démontrer que « toutes nos connaissances et toutes nos facultés viennent des sens, ou plutôt des sensations » : il apparaît comme la contribution la plus conséquente de la philosophie des Lumières à la réfutation de l'idéalisme. Mais s'agit-il pour autant d'un matérialisme ? Le terme de « sensation » dit bien que « les sens ne sont que cause occasionnelle. Ils ne sentent pas, c'est l'âme seule qui sent à l'occasion des organes ; et c'est des sensations qui la modifient, qu'elle tire toutes ses connaissances et toutes ses facultés ». Aussi vaudrait-il mieux parler de « sensationnisme »...

L'aveugle de Molyneux et la statue de Condillac

Locke, dans le livre II de son Essai, consacré à la perception, avait reproduit la lettre du « savant M. Molyneux » (chap. 9 parag. 8) : « supposez un aveugle de naissance », qui aurait appris à « distinguer par l'attouchement » le globe et le cube ; s'il venait à recouvrer la vue, il ne pourrait pas les reconnaître sans les toucher, dans l'impossibilité où il se trouverait de mettre en rapport les deux expériences. Condillac soutient au contraire, dans l'Essai sur l'origine des connaissances humaines (1740), « que l'œil juge naturellement des figures, des grandeurs, des situations et des distances », c'est-à-dire qu'il existe un rapport direct de la sensation à la connaissance géométrique. Mais ensuite, embarrassé par les brillants paradoxes de Diderot dans la Lettre sur les aveugles (1749), il entreprend « de considérer séparément nos sens, de distinguer avec précision les idées que nous devons à chacun d'eux, et d'observer avec quels progrès ils s'instruisent, et comment ils se prêtent des secours mutuels ». Il imagine donc une statue, d'abord « bornée au sens de l'odorat », puis acquérant progressivement l'ouïe et le goût (première partie du Traité des sensations) ; le toucher ajoute ceci de déterminant qu'avec lui nos sens cessent d'être de simples « modifications » de nous-mêmes : une statue qui n'aurait que l'odorat serait l'odeur de ce qu'elle sent, au lieu qu'« un homme borné au toucher découvre son corps et apprend qu'il y a quelque chose hors de lui » (deuxième partie). C'est donc le toucher, et non la vue, « qui apprend aux autres sens à juger des objets extérieurs » (troisième partie). Et il est juste de dire que le jugement n'est « que la sensation même qui se transforme différemment » ; mais aussi « la réflexion, les désirs, les passions, etc. » : « dans l'ordre naturel tout vient des sensations » (quatrième et dernière partie).

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